Message de M. Xavier DENIAU
Président de l’AFAL
Lu par M. Marcel BEAUX
vice-président d’honneur de l’AFAL
De nouveau et à mon grand regret, les contraintes d’un traitement médical – au Pays basque cette fois – me tiennent éloigné alors que se réunira la XVIIe Biennale de la langue française, à Neuchâtel. Ayant suivi de bout en bout et, chaque fois que cela m’était possible, participé aux différentes assises depuis 1965, vous comprendrez ma vive déception de ne pouvoir, en compagnie de mon épouse, me joindre à vous. Dès les premières années de l’après-guerre, j’ai été moi-même un des tout premiers militants de la Francophonie. Je ne pouvais donc être qu’un fervent partisan de l’œuvre entreprise par notre président fondateur Alain Guillermou – toujours aussi présent – et poursuivie par celui qui a si brillamment pris la relève, le président Roland Eluerd. À tous deux, je rends un chaleureux hommage et leur adresse un très amical salut, ainsi qu’à toutes les personnalités et aux nombreux jeunes qui, à divers titres, apportent un concours irremplaçable à cette grande entreprise.
Depuis la première Biennale de Namur, en 1965, suivie de celles de Québec, Liège et Menton, des milliers de participants ont contribué à une prise de conscience de la place du français, « langue sans frontières », aussi bien dans les pays francophones qu’au-delà, dans cette francophonie intemporelle qui s’étend sur les cinq continents.
Bien des intervenants se sont exprimés sur la réalité vivante d’une langue qui se manifeste par son évolution continue, dans le temps et dans l’espace, et dont il faut respecter la souplesse, tout en cherchant, par une action collective, à définir les principes de son génie propre. tels ont été les cas – je ne cite que des exemples un peu au hasard – de MM. Joseph Hanse pour la Belgique, Jean-Marc Léger, Jean-Claude Corbeil et Jean-Paul Desbiens pour le Québec, Auguste Viatte pour Haïti et l’Afrique noire. Notre vice-présidente Jeanne Ogée, en tête de son précieux index, a souligné : « La langue française épouse les cultures en devenant plus riche, plus capable de les traduire, à condition qu’elle conserve dans la diversité ses qualités et ses ressources propres. »
Pour ma part, dans une intervention à Echternach (1975), je soulignais le sens mystique, magnifiquement défini, dès 1962 par le Président Senghor, reprenant le mot enfoui dans les bibliothèques depuis Onesime Reclus, son premier inventeur : « La francophonie, c’est cet humanisme intégral, cette symbiose des énergies dormantes de tous les continents, de toutes les races qui se réveillent à leur chaleur complémentaire. » Ernest Renan, disais-je alors, le rappelait : « l’abolition du servage, les droits de l’homme, l’égalité, la liberté ont été pour la première fois proclamés en français ». C’est le sentiments de telles valeurs particulières que l’AFAL n’a cessé de promouvoir : une Francophonie polyphonique et égalitaire, où la langue française constitue un bien que nous avons en partage.
À Bucarest, la Biennale a magistralement illustré le thème, d’une brûlante actualité, des « autoroutes de l’information » sur un plan général. À Neuchâtel, il s’agit cette fois de la mise en œuvre des multimédias pour l’enseignement du Français : en particulier, que peut apporter Internet à cet enseignement ? Un champ immense de possibilités est ouvert, qui peut bouleverser les filières classiques.
Une illustration en est donnée par les difficultés actuellement rencontrées par l’École de l’Alliance française à Paris, au même titre d’ailleurs que des établissements comparables : Goethe Institut, British Council… dont les effectifs sont en régression. En effet, la situation économique limite les déplacements des jeunes et donc une telle occasion de contacts humains si précieux. En revanche, avec les multimédias s’ouvrent d’immenses possibilités. Les autoroutes de l’information constituent un incomparable instrument, mais sa valeur dépendra, comme il se doit, de l’usage que nous saurons en faire.
La première constatation, déjà faite à Bucarest sur un plan général, est qu’il est indispensable d’alimenter le réseau en données de qualité à propos de l’enseignement du français. On a récemment pu constater la saturation de ce réseau lorsqu’il s’est agi de répondre aux innombrables demandes d’information sur l’exploration de la planète Mars. Il est donc essentiel de savoir capter l’attention des usagers en présentant une image séduisante. Il faut pour cela jouer sur l’attrait de la diversité culturelle, avec cette francophonie polyphonique, porteuse d’un message humaniste, telle que ne cesse de l’illustrer l’AFAL.
En mon absence, j’ai demandé à mes amis Marcel Beaux et Bernard Pécriaux de présenter les contributions de l’AFAL et de l’ADIFLOR dans les domaines de la communication et de l’enseignement.
Je formule des vœux très chaleureux pour le succès et le retentissement fécond de vos travaux, notamment auprès de tous nos hôtes de Suisse et spécialement de Neuchâtel, ainsi que du Jura dont la passion en faveur de sa langue est digne de tout éloge.