Charles MULLER


Professeur émérite de l’Université de Strasbourg
Vice-président du Conseil international de la langue française

 

Les mots qui n’existent pas



Peut-on parler des mots qui n’existent pas ? D’une curieuse catégorie de mots, de mots-fantômes, qui bien entendu n’ont leur place dans aucun dictionnaire, qui manquent de références, qui se dérobent à la curiosité du locuteur ? En m’aventurant dans ce sujet, j’ai au moins un avantage : on ne peut pas exiger que j’en fournisse la liste ; le lexique de ces mots serait fait de pages blanches. Mais ma longue fréquentation d’Orthotel me permet non seulement de vous parler congrûment des mots qui n’existent pas, mais de préciser aussitôt que ces fantômes se répartissent en deux catégories.

La première catégorie se recrute parmi des signifiants qu’un jour un questionneur anonyme projette sur notre écran, avec cette question impérieuse : “Le mot X existe-t-il ?”(1) À nous de dire s’il s’agit d’un pur fantôme, d’une illusion de notre sens linguistique, ou si ledit mot mérite de circuler librement et même, un jour, d’être admis dans nos répertoires. Ainsi, invités à nous prononcer sur l’existence de soixante-dixième et de soixante-dizaine, nous avons pu répondre affirmativement pour l’adjectif, négativement pour le nom ; quittes à renvoyer à septantaine, qui, dans des régions francophones que nous connaissons tous, prend place très normalement après la soixantaine (2).

La question : “existe-t-il ?” comporte des variantes, dont la plus fréquente est : “Le mot X est-il français ?” ou : “... fait-il partie du vocabulaire français ?” ou : “... de la langue française ?” Formulation légitime quand il s’agit d’un terme étranger qui fait son apparition dans un contexte français, comme mailing, ou bunker, ou pizzaiolo. Mais quand on demande si entrepreneurial ou nettoyabilité (3) est “français”, il m’arrive de répondre d’abord qu’il n’est apparemment ni espagnol, ni arabe, avant de décider s’il est utilisable et mérite l’existence.

Cette question existentielle est souvent appuyée d’un prudent : “Il n’est pas dans le dico”, ou : “...dans mon dictionnaire”. À quoi nous répondons, non sans malice : “Quel dictionnaire ? Comment s’appelle-t-il, et... quel âge a-t-il ?”. Car l’objet de la question est souvent un néologisme, qui sans doute est plus jeune, plus récent que le Petit Larousse ou le Petit Robert de notre interlocuteur. J’ai ainsi vu naître une traçabilité (4), absente des meilleurs répertoires, et mystérieuse jusqu’au jour où la subite folie de quelques vaches britanniques a fait sortir ce substantif de son incognito et l’a projeté sous les feux de l’actualité ; curieux mot, du reste, puisqu’il est évidemment dérivé du verbe tracer, mais par l’entremise d’un adjectif traçable que je n’ai jamais vu nulle part. De même la déchetterie (5) a circulé sur nos écrans, mendiant son admission, bien avant d’être lexicographiée. Notre univers du téléphone indiscret et omniprésent a fait apparaître un utile injoignable, qui n’a pas tardé à générer, par dérivation régressive, un rassurant joignable. Et un jeu récent a révélé à de nombreux participants l’existence d’une toute jeune science des pollutions, la molysmologie, encore absente dans plusieurs dictionnaires.

À l’inverse, il y a de vieux mots, des mots oubliés, ou relégués dans quelque province. La Lorraine connaît encore nareux, la Provence fête des maillades, mais ailleurs on s’en étonne ; clarteux vit encore, et pas seulement chez Rimbaud. La gelinière a disparu depuis que les gelines sont devenues des poules. À ces témoins du passé, à ces échos des modestes terroirs, quand un usager s’inquiète de leur absence, de leur disparition peut-être, nous pouvons rendre un peu d’existence (6).

Il arrive même que la question comprenne le mot “officiel” : le mot est-il admis “officiellement” ? Ce qui nous amène à rappeler au questionneur qu’il n’existe aucune autorité constituée, en France ou en Francophonie, dont l’avis, ou l’aveu, serait exigé pour cette admission, que seul l’Usage, souverain, accepte ou rejette ; les autorités : académies, ministères, terminologues, linguistes, lexicographes... interviennent peu, tâchent d’observer les variations de ce décideur, et de les interpréter de leur mieux. N’a-t-il pas fallu, naguère, que quatre linguistes, dont un membre de l’Académie de Médecine, unissent leurs voix pour faire acquitter dangerosité (7), suspect, et banni en haut lieu parce qu’on l’y jugeait aussi inutile que disgracieux ?
Orthotel a du reste en réserve un bas de page que souvent nous ajoutons à la réponse circonstanciée, et qui, lapidairement, déclare : “Tous les mots ont circulé avant de figurer dans un dictionnaire”.

La seconde catégorie de mots-fantômes est faite de cases vides qu’un inconnu nous invite à combler; le questionneur nous livre non un mot soumis au jugement d’existence, mais un signifié, une définition, une description, en nous priant de dire s’il existe un signifiant pour occuper cet espace libre, ou si l’on peut en créer un.

Ainsi, quand on parlait beaucoup, en France, du mandat présidentiel, en dissertant sur les mérites respectifs du septennat et du quinquennat, certains demandaient quel nom serait attribué à un mandat qui serait fixé à six ans : sexennat ? Que répondre ? Le mot “n’existe pas”, mais il est virtuel, jusqu’au jour où une institution nouvelle, dans quelque pays francophone, exigerait sa naissance. La plupart des questions de ce type sont en fait des propositions, des tentatives, des essais. Ne peut-on fournir au verbe cadrer un substantif cadrement, distinct de cadrage ? Pourquoi accepter la relecture, mais ignorer l’existence de son agent, le relecteur (ou la relectrice) ? Pourquoi refuser aux noms candidat et candidature un verbe candidater, qui éviterait une périphrase ? Et de même on constaterait qu’une bouderie n’a qu’un temps en créant un verbe débouder. En somme, des coups de sonde dans la créativité de la langue. Quand le mot est vraiment mal formé, nous en déconseillons l’emploi ; s’il est utile et de saine facture, il m’arrive de répondre : “Il n’existe pas ? Employez-le, alors il existera.”

À part ces propositions isolées, il y a des séries qui nous agacent, et une surtout : celle des collectionneurs. Car les passionnés du timbre-poste, les philatélistes, ont fait des jaloux, et tous les collectionneurs ont l’ambition de se parer d’une appellation à consonance savante, polysyllabique, terminée en –phile, ou –philiste, ou –mane, et aussi opaque que possible ; ainsi on se signale comme autographomane, mais on crée un mystérieux prestige en revendiquant la qualité de tyrosémiophile si l’on collectionne les étiquettes des boîtes de fromage, ou de tégestologue si on est expert en sous-bocks ; nous avons dû admettre qu’un spécialiste des fèves mérite le nom de fabophile, mais il parut bon de décourager celui qui voulait nous faire approuver un placomicrophile( ?), amateur, paraît-il, de capsules de bouchons de champagne, et dissuader ceux qui demandaient à Orthotel des appellations pompeuses pour les maniaques des cartes à jouer, des paquets de cigarettes, des fers à repasser, ou des tire-bouchons (8). La fréquence et la variété des questions de ce type donnent à penser qu’il y a des gens qui collectionnent les noms de collectionneurs.

Il y a aussi la série des phobies ; elle est plus sérieuse, moins burlesque. On connaît la xénophobie, la claustrophobie, l’agoraphobie ; on nous demanda un jour s’il existait une appellation pour celui qui redoute non pas l’espace d’une place publique, mais qui est mal à l’aise dans la foule, qui s’angoisse dans la pression de la foule ; nous avons proposé d’employer, de créer au besoin ochlophobie. Un autre s’informait de l’horreur allergique de certains pour les chats. Il fallait, pour le satisfaire, coiffer le formant –phobie du nom savant des chats, comme on eût dit cynophobe pour l’ennemi des chiens, ou ichtyophobie pour le dégoût du poisson. Hélas ! La Grèce ancienne, fournisseuse principale, voire exclusive du vocabulaire savant et pédant, ignorait les chats. Notre secours vint de Colette, grande amie des chats, qui n’avait pas hésité à se dire félinophile ; néologisme qui accouple du latin et du grec, certes ; mais peut-on encore refuser un hybride à l’époque de l’automobile et de la télévision ? Nous avons donc bravement suggéré félinophobie (9), en espérant que ce mot aurait peu d’emploi.

Il est, dans ce type de question, un thème récurrent, et même lassant (nous en avons plus de vingt occurrences, et cela continue) : “Quel est le contraire de misogyne ?” Quand je ne suis pas trop pressé par le temps, je m’amuse à suspendre ma réponse, et je moralise : “Le contraire de “qui hait les femmes”, s’il en était besoin, serait : “qui ne hait pas les femmes”, et même qui les apprécie, comme Chimène appréciait Rodrigue : “Va, je ne te hais point” ; ce serait donc... philogyne.” Des questionneurs plus habiles, plus malins, précisent : “Comment nomme-t-on, pour une femme, le fait de ne pas aimer les hommes ?” Nous révélons alors à ces curieux (curieuses ?) la misandrie, et le nom-adjectif féminin misandre (10).

Mais je ne résisterai pas au plaisir de citer un épisode aussi rare qu’exemplaire. Le jeudi 22 octobre 1992, notre écran affiche le message suivant : “BONJOUR. COMMENT S’APPELLE L’INSTRUMENT EN BOIS, COMPOSÉ D’UNE TIGE TERMINÉE PAR UN HÉMISPHÈRE TAILLÉ DE QUATRE ENCOCHES, SERVANT À DÉGAZÉIFIER LE CHAMPAGNE ? “. Voilà ce qui s’appelle un signifié : on ne saurait être plus précis ; tout y est : la matière de l’objet, sa forme, sa destination ; il ne manque que... son nom ! Nos dictionnaires, hâtivement fouillés, restaient muets. Dans ce cas, réponse d’attente (préenregistrée) : “Recherche en cours. Veuillez rappeler lundi, même code. Merci !” La recherche n’eut même pas le temps de s’orienter : dès le lendemain, l’obligeant inconnu reparut à l’écran : “BONJOUR. J’AI TROUVÉ LE NOM DE L’APPAREIL QUI SERT À DÉGAZÉIFIER LE CHAMPAGNE. IL S’AGIT D’UN MOSER. J’AI PRIS DES RENSEIGNEMENTS À EPERNAY ET LA RÉPONSE A ÉTÉ IMMÉDIATE. JE PENSE QUE C’EST UNE APPELLATION LOCALE (11) CAR ELLE NE SE TROUVE NI DANS LE ROBERT NI LAROUSSE NI QUILLET NI FLAMMARION. POUR INFORMATION. AMITIÉS.” Ainsi le “moser” existe ; ce n’est pas un mot-fantôme, mais l’épisode a gardé une place de choix dans nos archives.

La fréquentation quotidienne des mots qui n’existent pas suggère une lecture nouvelle et quelque peu téméraire du dictionnaire. Derrière les mots bien alignés dans leurs colonnes, on peut imaginer d’invisibles présences, celles d’une nuée de mots-fantômes, en attente d’un emploi qui leur donnerait l’existence.

Comme la philologie a engendré des philologues, et l’étymologie des étymologistes, la molysmologie nouveau-née implique le recrutement de molysmologues (ou molysmologistes), qui traiteront des problèmes molysmologiques, et qui ne manqueront pas de fonder une molysmoscopie, équipée en molysmoscopes. Une pratique neuve comme la thalassothérapie ne saurait s’exercer sans thalassothérapeutes, ni la polémologie sans polémologues qualifiés ; les lacunes de nos dictionnaires, dans tous ces cas, sont surprenantes ; comment nous feront-ils croire qu’il existe une bromatologie sans bromatologues ? Un adjectif comme fiable a fait naître fiabilité, fiabiliser ; on devine, derrière ses semblables comme skiable, carrossable, jouable..., une même escorte virtuelle. S’il est fâcheux d’être injoignable trop longtemps ou trop souvent, c’est dû à la tyrannie des téléphones portables, des fax, des répondeurs, de l’alphapage ; défaut inconnu des temps anciens, qui entraîne un devoir de joignabilité, et il faudra se joignabiliser.

Et les couples antonymiques ? acceptable a entraîné inacceptable ; inversement indicible a suggéré un contraire, dicible ; incorrigible a produit un corrigible, rival de corrigeable ; inéluctable, inextricable, implacable, inusable et vingt autres attendent encore leurs vis-à-vis, mais... patience ! Quant à l’impérieux incontournable, son succès est si foudroyant que son contraire virtuel en est neutralisé.

On se heurte pourtant à des obstacles : des mots solidement installés, comme les grands fauves, créent autour d’eux des alentours interdits. Au verbe comprendre, les latinistes ont offert jadis son adjectif de possibilité : compréhensible, aussitôt doté du contraire : incompréhensible ; il n’y aura donc ni comprenable, ni incomprenable, malgré la présence discrète de prenable (12) et imprenable ; quant à ce qui peut s’apprendre, on risque d’attendre longtemps un choix entre apprenable et l’inacceptable appréhensible, compromis par le voisinage d’appréhender. Le terrain où se cachent nos invisibles, nos mots virtuels, a des zones minées.

Il y a d’ailleurs une limite, imprécise mais impérieuse, à la longueur des mots : le vieux et solide incompréhensible a déjà 5 syllabes ; son dérivé incompréhensibilité en aligne déjà 8 ; on hésite à poursuivre...(13)

Et puis il y a les séries qui n’ont pas de limites ; les mots formés sur les modèles francophone, francophile et (excusez cette impertinence) francophobe, plus les correspondants en – phonie, – philie, – phobie qui peuvent comprendre autant d’unités qu’il existe, sur notre planète, d’États, de pays, de régions, de tribus, de factions... etc. De quoi décourager les maniaques de l’inventaire et les nostalgiques du Panlexique de nos aïeux.

Ainsi nos dictionnaires, si on veut bien lire entre leurs articles, cachent des milliers de cases vides, dont une prudente exploration réserve mille trouvailles... Mais j’ai eu tort de parler de mots-fantômes. Les vrais fantômes, ceux qui hantent les vieux châteaux avec gémissements et bruits de chaînes nocturnes, sont des êtres immatériels, désincarnés, qui ont eu une vie réelle et qui l’ont quittée ; ils ont vécu, mais ne vivent plus. Nos mots, à l’inverse, n’existent pas encore ; ils sont en attente, prêts à s’incarner, à s’incorporer, à prendre leur place parmi les mots vivants. Ce n’est donc pas à des fantômes qu’il faudrait les comparer, mais plutôt à des “sans-papiers”, des “S.D.F.”, des marginaux, des clandestins, des candidats à l’intégration. Qu’on leur accorde un petit rôle, une fonction, même modeste ; que l’usage leur donne quelques occasions de se manifester, et le jour viendra où ils apparaîtront dans le grand recensement des dictionnaires, dotés d’une orthographe qui est leur patronyme, et du domicile que leur assigne l’ordre alphabétique, avec une catégorie grammaticale qui traduit leur profession, et une définition qui décrit leur rôle social, munis enfin d’un acte de naissance en forme de datation, et d’une ascendance qui est leur étymologie.

Et c’est ainsi que, chaque automne, les petits dictionnaires annuels, déjà datés de l’année qui va naître, enregistrent des centaines d’adoptions, qui font diminuer, lentement, l’effectif des mots “qui n’existent pas”.

Mais ces promenades aux limites du lexique sont riches en indications sur l’idée que nos questionneurs anonymes se font du langage... et de leur langue, notre langue française. D’abord, s’ils consultent notre programme, c’est par souci d’“écrire sans fautes”, comme nous les y engageons, donc par croyance en une norme. Or y a-t-il une norme en matière de lexique ? Elle est consignée, sans doute, par “le dictionnaire”. Mais rares sont ceux qui ont une conscience claire de l’insécurité de ce précieux arbitrage.

On distingue peu à peu des attitudes variées à l’égard du lexique et de ses limites. Rares sont ceux qui ont une conscience claire de la plasticité de notre vocabulaire, sans cesse confronté à la vie et à ses réalités mouvantes. La langue a ses intégristes. Chez la plupart de nos questionneurs, “Ce mot est-il français ?” est une façon un peu plus agressive d’interroger sur la légitimité du vocable en cause. On devine, derrière cette formulation, une idée très exclusive du bien et du mal en matière de vocabulaire ; un appel à une morale sévère ; l’image d’un vocabulaire bien compact, bien homogène, d’un domaine aux frontières nettes, bordées d’une solide ligne Maginot..., d’un territoire protégé par une douane vigilante et surveillé par une police impitoyable, où l’intrus, s’il n’est pas refoulé aussitôt, ne peut espérer son admission qu’après d’exigeantes épreuves, où il devra gagner, s’il la mérite, son intégration. Là, pas d’immigration clandestine ! Et si un mot audacieux tentait de s’y glisser, il faut alerter Orthotel, et que celui-ci prenne ses lourdes et rigoureuses responsabilités.

Au détour d’une réponse, nous glissons volontiers de petites remarques (préenregistrées) ; une des plus fréquentes est la suivante : “Tous les mots ont circulé avant d’être consignés dans un dictionnaire” ; une autre : “Aucun dictionnaire ne contient tous les mots”. Peut-être avons-nous ainsi fait réfléchir quelques inconnus, qui avaient tendance à considérer “le dictionnaire”, leur dictionnaire, comme le détenteur d’une vérité immuable. Le seul fait de rappeler la date d’apparition d’un mot, ou la forme différente qu’il avait dans l’ancienne langue, ou l’évolution de son sens, sont des occasions de montrer que, si la langue a évolué, elle n’a pas cessé de bouger le jour où un Littré, un Larousse ou un Robert a signé le bon à tirer d’un dictionnaire.

Il y a encore quelques pédants qui vitupèrent les linguistes quand ceux-ci se réclament de l’usage et de l’évolution pour expliquer, justifier ou critiquer des néologies ou des glissements de sens, et les traitent de vils “capitulards” (14). Ce sont les ultimes héritiers d’une cohorte puriste, chez qui Orthotel espère avoir parfois jeté le trouble et fait naître des doutes salutaires.



Notes

(1) “Existe-t-il ?”, question généralement tapée avec quelque négligence graphique. On sait que, entre ce verbe existentiel et le pronom qui suit, il convient d’intercaler ce T que nos dictionnaires s’obstinent à qualifier d’“euphonique” ; comment remplir le vide qui le suit ? Certains s’en occupent peu, quelques-uns mettent bien un trait d’union, mais plus nombreux sont ceux qui y glissent une apostrophe. Occasion pour Orthotel de morigéner un peu : “t’il, t’elle, t’on sont des monstres graphiques : un T ainsi apostrophé est un te, et introduit un tutoiement incompatible avec il, elle, on, pronoms de 3e personne.”

(2) septantaine, absent dans les petits dictionnaires, figure dans le TLF à l’article septante, parmi les dérivés, avec des citations de G. Sand et de Flaubert.

(3) Mots absents dans tous nos dictionnaires (entrepreneurial et nettoyabilité).

(4) traçabilité faisait partie du vocabulaire technique de l’élevage, mais ne figurait dans aucun dictionnaire général.

(5) “Le 9 oct. 1990, la Commission du Dictionnaire de l’Académie française a donné son accord pour l’introduction du mot déchèterie...” ; les autres dictionnaires donnent déchetterie, certains avec l’autre forme en variante.

(6) nareux ou néreux (facilement dégoûté, difficile, exigeant) figure au TLF ; maillade est mentionné passim au sens de “tramail”, mais non au sens de “fête populaire après l’élection”, signalé par notre correspondant ; Littré cite gelinier, mais non gelinière ; clarteux, noté à tort comme “néologisme créé par Rimbaud” par Maurice Rheims (Dict. des mots sauvages), est un régionalisme lorrain.

(7) dangerosité est présent dans tous les dictionnaires récents... sauf dans la 9e éd. de l’Académie.

(8) Le dictionnaire Plus énumère 37 de ces appellations de collectionneurs.

(9) Le dictionnaire Plus propose dans sa liste des phobies (il en recense près de cent !) une ailourophobie, pour félinophobie, qui a le double mérite de l’opacité et de l’autorité d’Aristote, expert en animaux exotiques.

(10 ) avec des synonymes plutôt rares : androphobe, androphobie, pour misandre et misandrie.

(11) moser, appellation champenoise évidemment ; probablement tirée d’un nom propre dont la notoriété nous a échappé.

(12) prenable manque dans quelques dictionnaires ; le TLF ne l’inscrit que comme dérivé de prendre.

(13) Le trop célèbre anticonstitutionnellement en compte 9. Pierre Louys est allé jusqu’à 11 ou 12 syllabes en forgeant un adverbe dérivé d’incombustible : incombustibilisationnellement, qui à lui seul constitue un alexandrin sans césure.

(14) “...(des) linguistes indulgents, laxistes et capitulards, toujours prêts à s’incliner avec vénération devant ce qu’ils appellent péremptoirement le sacro-saint ‘usage’ et l’irrésistible ‘évolution’, impressionnant mot abstrait de quatre syllabes, sans trop chercher à rien approfondir”. J. Capelovici, in Lettre(s), n° 16 (avril 1996), p. 10. – “...ce que certains linguistes laxistes ou capitulards appellent l’évolution irrésistible du langage” (du même, Figaro du 15-05-97). Pauvres linguistes, invités par cet arbitre (hélas ! “agrégé de l’Université”) à négliger l’usage et à ignorer l’évolution !

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 La culture suppose l'enracinement, la profondeur et la perspective d'un épanouissement sans cesse en progrès. 

Jacqueline de ROMILLY

Présidente d'Honneur de la Biennale de la langue française (2002-2010)

Dans Le Trésor des savoirs oubliés, éditions de Fallois, 1998, p. 93