Allocution de M. Jean GUINAND
Président du Conseil d’État de la République et Canton de Neuchâtel
Messieurs les Présidents,
Excellence, Mesdames, Messieurs,
Au nom du Conseil d’État de la République et Canton de Neuchâtel et au nom également du Conseil communal de la Ville de Neuchâtel, représenté ce matin par Mme Françoise Jeanneret, conseillère communale, nous vous souhaitons une très cordiale bienvenue dans le canton de Neuchâtel et en ville de Neuchâtel.
Nous sommes heureux de pouvoir prendre part à cette séance solennelle d’ouverture ici dans cette salle du Grand Conseil où siège le législatif cantonal. Le Château de Neuchâtel est en effet le siège des autorités législatives et exécutives du canton.
Voisin immédiat de la France, le canton de Neuchâtel a toujours été une terre d’accueil, d’ouverture et de culture. Il le doit certainement à son statut historique. La Réforme l’a marqué par le protestantisme de Calvin et de Farel et l’a conduit à devenir une terre d’accueil, en particulier pour de nombreux intellectuels français dont la présence en terre neuchâteloise a sans doute nourri la pensée et l’expression du canton.
Après son statut de principauté, son allégeance au roi de Prusse, son annexion dans l’empire napoléonien, son rattachement à la Suisse en 1814, Neuchâtel est resté sensible aux événements de sa grande voisine, la France, et a suivi le mouvement révolutionnaire de 1848 pour devenir une république. Le 150e anniversaire de cet événement sera d’ailleurs célébré comme il se doit l’an prochain. Si le canton de Neuchâtel a une importante frontière avec la France, il s’ouvre à l’est vers le monde alémanique et germanique. Lorsque vous vous promènerez dans les rues de Neuchâtel, vous entendrez sans doute souvent des conversations aux accents un peu rugueux de nos confédérés dont nombreux sont ceux qui viennent ici apprendre le français. On entend même parfois dire que c’est à Neuchâtel qu’on parle le meilleur français. Vous pourrez en juger par vous-mêmes. En réalité, cette affirmation provient du fait que Neuchâtel fut le premier canton à abandonner le dialecte.
Terre industrielle, Neuchâtel a vu sa population augmenter très rapidement à la fin du siècle passé et jusque dans les années 1980. Terre d’immigration, elle s’est nourrie de l’apport de l’étranger et a su faire une place aux nombreuses communautés venues principalement du sud de l’Europe. L’italien, l’espagnol et le portugais ont trouvé droit de cité sur ce territoire.
Aujourd’hui, la promotion économique permet de voir s’implanter des succursales de multinationales venues d’outre-atlantique et, comme dans l’ensemble du monde économique, l’anglais y occupe une place importante.
Il n’en demeure pas moins que l’esprit français et francophone est bien présent à Neuchâtel et que c’est donc avec d’autant plus de fierté que nous accueillons cette Biennale de la langue française.
Qu’il me soit d’ailleurs permis de rappeler que quelques grands noms d’intellectuels, d’écrivains, de théologiens, de pédagogues et d’artistes sont issus de ce terroir fertile. Nos écoles supérieures, jusqu’ici appelées gymnases, suivant une terminologie germanique, vont désormais s’appeler lycées, comme en France voisine. Et les trois lycées appelés à voir le jour auront pour noms lycée Denis-de-Rougemont, lycée Jean-Piaget et lycée Blaise-Cendrars.
Vous avez choisi de traiter cette année du thème « Multimédia et enseignement du français ». C’est un thème d’une très grande actualité et il nous paraît particulièrement intéressant d’avoir lié le développement du multimédia à l’enseignement de la langue française.
Il est vrai que le multimédia transforme la planète en un grand village où l’information et l’échange deviennent prioritaires. Dans ce contexte, quelle place occupe et devra occuper chaque langue, principalement le français ? Vos travaux permettront sans doute d’apporter une réponse.
Si j’assume aujourd’hui la présidence du Conseil d’État de la République et Canton de Neuchâtel et que vient de m’être confiée la responsabilité des finances cantonales, j’ai eu le privilège, en tant que professeur d’université, d’être recteur de l’Université de Neuchâtel et, par la suite, de diriger pendant quatre ans le Département de l’instruction publique et des affaires culturelles. Vous comprendrez sans doute dès lors l’importance que j’attache personnellement au développement de l’apprentissage des langues, de la langue maternelle d’abord et des autres langues ensuite. C’est en effet à travers la connaissance des langues que chaque individu peut se sentir à l’aise dans sa propre culture et en relation avec les autres cultures. La force d’une langue ne se développe pas dans un repli figé, meilleur moyen d’en faire une langue morte, mais dans la capacité de ceux qui la pratiquent de s’ouvrir aux autres langues et cultures, de s’approprier et d’intégrer le meilleur de ces dernières.
C’est à travers le rayonnement de ses intellectuels que le français trouve sa véritable dimension et, pour autant que ces derniers vivent pleinement les nouvelles technologies, c’est une chance immense pour le rayonnement de la langue française qui voit son potentiel de diffusion s’agrandir à l’échelle planétaire.
Parallèlement, il est nécessaire, dans les territoires où le français est la langue majoritaire, d’en promouvoir un enseignement de qualité afin d’en permettre un usage précis et riche.
La langue est le véhicule de la pensée et de la culture. Si la culture et la pensée sont riches et diverses, la langue rayonne et n’est pas en danger. Si elles s’appauvrissent, la langue décline.
Le multimédia est certes un extraordinaire moyen de diffusion et de confrontation. Il peut cependant représenter un danger s’il ne s’adresse qu’à un nombre restreint de personnes ou s’il reste inaccessible pour d’autres. Il convient donc de veiller à ce que les outils modernes de communication restent ouverts à tous pour une utilisation qui soit le plus efficace possible. Son utilisation pour l’enseignement, et l’enseignement des langues en particulier, n’en sera que plus profitable. La langue française y a largement sa place. Aux francophones de relever le défi.
Nous remercions dès lors les organisateurs de cette Biennale, et vous tous, Mesdames et Messieurs, qui participez à ses travaux, d’accepter de mener cette réflexion. Nous vous souhaitons un bon séjour à Neuchâtel et nous formulons des vœux sincères pour vos travaux.