Adrian MIHALACHE
Université polytechnique de Bucarest


Multimédia, hypertexte et utopie du livre

 

1. Je lis, donc je suis

Tout exploit intellectuel, fût-il scientifique, littéraire ou artistique, se penche sur lui-même au moment du crépuscule, prend conscience de ses méthodes, définit minutieusement ses concepts, plutôt que de les laisser œuvrer et se développer à leur aise, comme au temps des pulsions créatrices irrésistibles. Ainsi la littérature, à l’aube de l’âge électronique, se mire complaisamment dans des écrits repliés sur l’acte d’écrire, dans des livres dont Le Livre est en même temps l’objet et le sujet. Le corps même du livre devient source de réflexion et de rêveries puisque, si on savait depuis longtemps que le livre avait un corps, on s’est aperçu d’un coup qu’il en était un.

a) Le corps du livre.
Que le livre eût un corps, voilà une perception qui n’est pas née d’hier, liée, naturellement, à l’aspect physique qui relève de la densité matérielle, à l’autoritaire cohésion que la reliure lui donne. Le corps sensible du livre, que l’on chérit, que l’on caresse, dont on hume l’enivrante odeur typographique, est lui-même un (obscur) objet de désir. Christopher Keep (1) affirme que le livre est objet fétiche par excellence : on peut le manier, en caresser les pages, la couverture, la reliure, on peut le rejeter comme on méprise un amant. C’est d’ailleurs au lit qu’on lit le plus souvent, recroquevillé autour du livre comme pour le protéger, enfant de quelque demi-dieu (2) provisoirement laissé à notre garde. Le corps du livre tenu entre nos mains forme avec notre corps à nous une entité complète et fermée, telle la bête à deux dos dont parle grivoisement Rabelais (3). Le plaisir de lire est un plaisir charnel.

Les sciences occultes nous apprennent que chaque corps sensible est doublé d’un autre, le corps subtil, et le livre ne fait point exception à la règle. Le corps subtil du livre n’est pas métaphysique, mais mathématique, dans le sens de la cohérence et de la complétude. Le corps, en mathématique, est la multitude fermée sur elle-même, de sorte que, de quelque façon que l’on s’emploie à manier ses éléments, on ne peut pas en transgresser les marges. De plus, dans cette multitude on trouve un peu de tout, chaque élément a son contraire, le neutre existe aussi, donc on a de quoi bâtir un monde.

Le corps mathématique n’est pas une mauvaise métaphore pour le corps littéraire, pourvu que ce dernier soit suffisamment riche et divers, puisque les actes interprétatifs du lecteur que la théorie littéraire nous a rendus visibles (4) ne portent jamais (5) celui-ci au-delà de l’univers fermé où la lecture le plonge.

On n’insistera jamais assez sur la correspondance entre le corps sensible du livre et son corps subtil, l’unité de l’un entamant sur l’unité de l’autre. Un livre photocopié est un amas de pages qu’on pourrait classer à son gré comme on reliait au Moyen Age des fragments divers sous une même couverture, sans souci de préserver ni l’identité de l’auteur, ni celle de l’œuvre. Le livre qui, par mégarde stylistique, manque de cohésion littéraire est tout aussi compromis que celui dont les pages s’envolent à cause des carences technologiques.

Il y a, sans nul doute, des sujets à haut risque, comme l’amour, la sexualité, ces pulsions profondément enracinées qu’il est difficile de traiter en gardant d’une main ferme les freins du discours. Sous la pression des forces intérieures, que l’on soit lecteur ou écrivain, on commet plus d’une fois la gaffe de s’oublier soi-même et, conséquemment, la construction mentale (lecture ou écriture) se décompose dans ces mille détails indifférents qui rendent inéluctablement l’histoire décousue et pathétique (6). La croûte textuelle a pour pair le volume déchiré :

  • « Qu’est-ce que vous lisez, qui est défait et déplumé comme un livre d’amour ?
    – Un livre d’amour. » (7)

b) Le miroir du lecteur.
Le livre, dont l’unité s’exprime au niveau des deux corps : sensible et subtil, est le miroir au fond duquel s’accomplit la mutation du lecteur de personne en personnage.

L’enfant, qui vient de commencer sa vie de lecteur n’est pas, à proprement parler, une personne, il n’est personne (8), c’est-à-dire, aux mots de Jacques Lacan, un agrégat non coordonné, un ensemble de zones, d’organismes, de sensations, de besoins et d’impulsions, au lieu d’être une totalité intégrée (9). La formation de l’identité passe par le stade du miroir : ce n’est qu’au moment où l’enfant assume une image, se voit dans la glace, reconnaît sa réflexion et s’identifie comme objet séparé, que le moi prend naissance.

Stendhal définissait le roman comme un miroir porté le long d’un chemin ; c’était bien le chemin parcouru par le lecteur jusqu’à ce qu’il atteigne son identité et son autonomie comme entité psychologique distincte. Le livre est l’univers corporel clos et dense où le lecteur se retrouve, avec ses souvenirs et ses mille désirs articulés, par l’agencement du style, dans une architecture.

Il serait pourtant faux de soutenir que, dans un livre, on se reconnaît tout simplement en son entier, goûtant la satisfaction de saluer, en tournant les pages, son double, le clone d’une entité psychique préexistante. Le fameux De te fabula narratur fait allusion aux tropismes, aux tendances multiples et désordonnées, toutes virtuellement présentes dans l’intimité muette du lecteur que celui-ci parvient à retrouver, ordonnées, classées, assemblées dans des unités expressives, en un mot, verbalisées. Se reflétant dans l’univers structuré du livre, le lecteur en emprunte l’autonomie et la cohérence. De personne, il devient personnage (10). Le lecteur se réinvente avec chaque livre qu’il ouvre, sa personnalité s’enrichit, moins par le savoir accumulé ou par la multiplicité des expériences qu’il vit par procuration (à travers les personnages auxquels il s’identifie), que par la continuelle création de soi impliquée dans la pratique même de la lecture (11).

Une fois l’adolescence passée, l’homme, devenu monade par la lecture, délaisse les livres au profit de son insertion sociale. Peu à peu, l’unité de son caractère en souffre. Les tâches qui le comblent, les projets qui le tentent valorisent, à tour de rôle, des traits particuliers de son caractère, en accentuant les uns, en réprimant les autres. L’efficacité de presque toute activité utile s’appuie sur une nette séparation entre les différentes facultés d’un individu et, conséquemment, celui-ci se décompose en plusieurs ensembles de compétences spécialisées, jouant tantôt le rôle du gestionnaire, tantôt celui du père, tantôt celui du technocrate, sans aucun souci pour les faire s’accorder entre eux.

La pratique de la lecture refait l’unité existentielle du lecteur aliéné, le confrontant à l’univers du livre comme à un miroir où celui-ci puisse se retrouver et regagner ainsi le chemin de son développement. Celui qui ne lit pas n’existe pas comme entité distincte, autonome, unitaire. Il n’est qu’une personne décomposée, il n’est presque personne. Partant, la haine envers celui qui lit, oisif au milieu de ses contemporains occupés. Démantelés justement par leurs occupations, ces frustrés ridiculisent le lecteur, le culpabilisent et rêvent en secret de brûler tous ses livres (12). Ce n’est pas son bonheur qui les irrite car ils l’ignorent, ni ses avantages sociaux, qui n’existent plus, c’est la pensée confuse, jamais exprimée, que le lecteur, lui seul, il existe, puisqu’il lit.

 

2. Le livre idéal

Depuis que la pratique de la lecture est en déclin, l’obsession du livre parfait, idéal est plus vive que jamais. Un livre idéal devrait être, sans doute, un livre complet, dépositaire de tout le savoir, mais alors il ne s’agirait plus d’un livre, mais d’une bibliothèque.

a) Jorge Luis Borges a imaginé la bibliothèque complète, résultée de la frénésie combinatoire de vingt-cinq signes typographiques :

« Ces exemples ont donné la possibilité à un bibliothécaire de génie de découvrir la loi fondamentale de la Bibliothèque. Ce penseur a observé que tous les livres, qu’ils fussent aussi divers que possible, sont composés des mêmes éléments : l’espace blanc, le point, la virgule, les vingt-deux lettres de l’alphabet. Par ailleurs, il a ajouté un fait que tous les voyageurs ont confirmé : il n’y a pas, dans toute la vaste Bibliothèque, deux livres qui soient identiques. De ces prémices incontestables, il a déduit que la Bibliothèque était totale et que ses rayons contenaient toutes les combinaisons possibles des vingt-cinq symboles orthographiques (nombre très vaste, mais non pas infini) ou, autrement dit, tout ce qui est exprimable : dans toutes les langues. Tout : l’histoire détaillée de l’avenir, les autobiographies des archanges, le vrai catalogue de la Bibliothèque, les milliers et milliers de faux catalogues, les démonstrations trompeuses de ces catalogues, la démonstration de la fausseté du vrai catalogue, l’évangile gnostique de Basilides, les commentaires de cet évangile, les commentaires des commentaires etc. » (13)

Le concept du livre idéal repose donc sur celui de la bibliothèque complète. Tout est donné, tout le savoir est là, il faut seulement savoir s’y prendre pour le retrouver. Si la bibliothèque d’Alexandrie et tant d’autres qui hantent encore notre mémoire n’avaient pas brûlé, de combien nos connaissances n’auraient-elles pas dépassé leur niveau actuel ! Hélas, le savoir a beau être disponible, à notre portée, aucun volume de la bibliothèque totale ne pourrait être retrouvé suivant une méthode systématique : le grand nombre des volumes nous y interdit l’accès dirigé, il nous comble et nous laisse confus.

Plus tard, Borges allait reprendre le concept du livre complet, renonçant cette fois à le fonder sur la notion collective de bibliothèque (14). Le livre idéal serait un volume de dimensions modestes, imprimé en caractères usuels, formé d’une infinité de pages infiniment minces. Les mathématiciens nous ont habitués à l’idée que tout volume est décomposable dans une infinité de surfaces, donc la représentation d’un tel livre n’est pas du tout inacceptable. Le maniement du volume serait assez difficile : chaque feuille se diviserait en plusieurs dès qu’on la toucherait et l’inconcevable feuille médiane n’aurait pas de revers. Tout comme il n’y avait pas de méthode pour retrouver un volume dans la Bibliothèque de Babel, on ne peut retrouver aucune page (arbitrairement numérotée) du Livre de Sable. Il nous reste à procéder de manière aléatoire, espérant que la chance, elle, nous aidera, vu que, de toute façon, nous manquons d’autres moyens.

b) Mallarmé.
L’infini est poétique (15) précisément parce qu’il défie les méthodes et nous oblige de prendre au sérieux le hasard. Le concept du livre complet nous montre que l’infini implique le hasard comme ingrédient nécessaire à toute action. Mallarmé s’est penché, lui aussi, sur le mystère de la liaison entre le hasard et l’infini. Il dit (16) :

« Bref dans un acte où le hasard est en jeu, c’est toujours le hasard qui accomplit sa propre Idée en s’affirmant ou se niant. [...] Il contient l’Absurde – l’implique, mais à l’état latent et l’empêche d’exister : ce qui permet à l’Infini d’être ».

Donc, contrairement au raisonnement précédent, ici c’est le hasard qui rend l’infini possible. Ces fulgurations seront reprises et approfondies dans « le coup de dés ». La thèse de la priorité du hasard est mise en exergue (Un coup de dés jamais n’abolira le hasard) et le constat froid et lucide de l’échec de toute quête systématique est accompagné du vers rempli d’une sorte d’espoir énigmatique : « Toute Pensée émet un Coup de Dés », ce qui pourrait bien signifier que la pensée doit assumer consciemment (et consciencieusement) le hasard. Le « coup de dés » qu’on émet dès qu’on ouvre l’utopique livre complet, c’est le « choix » de la page, de l’image, du fragment, le trajet capricieux parmi les vestiges du savoir, protégés, mieux que les trésors les plus riches et les plus secrets, par leur abondance même.

Admettant que le livre utopique ne puisse être qu’un livre complet, qui embrasserait tout, on tenterait aisément d’y faire inclure tout le monde, non seulement le monde du savoir, mais le monde, tout court (tout long, à vrai dire). Que l’univers fût un livre ouvert, offert à nous pour le lire, nous le savions depuis saint Paul. Il reste néanmoins vrai que le texte de ce livre total qui est l’Univers a été dûment codifié, ses messages se présentant seulement per specula et in enigmate, donc c’est à nous de le déchiffrer. Ce n’est pas cette fois l’infini du savoir qui nous en interdit l’accès, mais la complexité du code, le secret de la serrure qui en garde l’entrée (17).

Il serait vain de suivre cette passionnante histoire à travers les méandres kabbalistiques et gnostiques jusqu’au moment où Galilée lança l’hypothèse qui allait servir de guide pendant toute la modernité que Le Livre de la Nature était écrit dans le langage des mathématiques. Cette lignée de pensée voit dans le livre utopique une collection de messages pour le moment incompréhensibles par manque de clés.

Pour les uns, le livre utopique nous comble par sa richesse, pour les autres, il nous glace par son mystère. Ces deux attitudes diffèrent surtout par leurs suppositions implicites. Les premiers, dont Mallarmé, croient que nous devons accepter le hasard comme inévitable compagnon de nos lectures. Les derniers pensent toujours qu’il y a juste devant nos yeux une formule compacte de l’Univers que nous pourrions bien déchiffrer si un esprit malin n’avait pas brouillé les pistes. Tous, ils se rencontrent dans le lieu commun, le topos que, infini ou non, codifié ou pas, le monde n’est rien qu’un livre. La « petite phrase » (18) de Mallarmé, si souvent citée (quelquefois faussement) que l’on en est arrivé à l’accepter tout bonnement comme une banalité, met cette conviction dans une formule qui relève un peu du faux-fuyant :

« Une proposition qui émane de moi – si, diversement, citée à mon éloge ou par blâme – je la revendique avec celles qui se presseront ici – sommaire veut, que tout, au monde, existe pour aboutir à un livre » (19).

Le monde n’est pas un livre, il aboutit à un livre, donc il n’est que matière première pour le construire. On interprète d’habitude la sentence mallarméenne de façon prescriptive : « le monde devrait aboutir à un livre ». Ainsi, le livre serait le but de l’existence, son accomplissement. J’aimerais forcer un peu les limites de ce cadre herméneutique un peu rigide.

Il ne s’agit pas du monde, le sujet est tout. « Tout, au monde » veut dire tout le matériel, le bric-à-brac disponible, des éléments parsemés tout autour, non pas le monde structuré, stylisé, articulé. Ces derniers traits sont précisément ceux du livre, en tant qu’univers clos, corps physique et mathématique à la fois. Donc, si le tout n’aboutissait pas à un livre, ce tout resterait amorphe, ne ferait jamais monde (20). Pour exister, le monde doit acquérir l’unité, l’intégrité, la densité des livres. Le monde n’est rien, sinon un livre. Si le livre ne parvenait pas à se faire, le monde n’existerait pas non plus. Rater, ne pas aboutir à un livre, c’est compromettre l’existence même du monde.

c) Andersen.
Le livre utopique des temps post-modernes est loin de l’idéal de Mallarmé, aussi bien que de celui de Galilée. On a perdu l’espoir d’amasser le tout sous des couvertures et aussi celui de déchiffrer l’énigme de ce tout (si énigme il y a). On se contente des fragments, on accepte de cœur léger les contradictions, on lit au jour le jour, comme on vit. On n’a plus ni le temps, ni l’envie de plonger dans un univers autonome, on préfère flâner, dialoguer, s’amuser, oublier. Le livre, donc, devrait être léger, poétique, séduisant et stimulatif. Ce n’est plus le livre des philosophes, ni celui des romanciers, c’est le livres des contes de fées. Andersen le décrit merveilleusement dans l’un de ses contes :

« ...il était une fois un empereur qui avait onze fils et une fille qui s’appelait Élise. [...] [Les princes] écrivaient avec des crayons de diamant sur des tableaux d’or et apprenaient par cœur aussi bien qu’ils lisaient. [...] Élise, leur sœur, restait assise sur une chaise de verre et feuilletait un livre à images qui avait coûté à son père la moitié de son royaume. [...] Tout, dans le livre, était devenu vivant, les oiseaux chantaient, les hommes sortaient du livre et parlaient à Élise et à ses frères. Mais une fois la page tournée, ils sautaient vite, chacun exactement à sa place, afin que l’ordre des images fût ainsi préservé. » (21)

Il est impossible, pour tout lecteur de ne pas reconnaître, dans cette charmante description, la préfiguration du concept actuel de multimédia, avec tout ce qu’il suppose de variété sensorielle et d’interactivité. Si les romantiques croyaient aux rêves et les modernes à la science, nous trouvons dans le conte de fées électronique le machin qui exalte « nos transports de l’esprit et des sens ».

 

3. Comprendre le multimédia

a) Relisant Marshall Mc Luhan...
Le grand succès qu’ont connu il y a presque trente ans les ouvrages de Marshall Mc Luhan (La galaxie Gutenberg, Comprendre les media, Le médium est le massage, etc.) n’est égalé que par la profondeur de l’oubli qui, depuis, les a engloutis. Le branchement décidé sur l’actualité culturelle, technologique et politique du moment explique leur succès... et leur oubli aussi.

Marshall Mc Luhan pressentait à l’époque l’extraordinaire impact des nouveaux médias sur les réflexes psycho-physiques et les comportements intellectuels des hommes dont les sens commençaient à être soumis à des « massages » insolites. Mais, comme presque tous les gens qui vivent dans le présent sans trop se soucier du passé, il allait être démenti par l’avenir. Pour lui, la transmission quasi simultanée des images – la télévision – avait à jouer le rôle de paradigme technologique de notre complexe culturel fin de siècle, qu’il lui plaisait d’appeler « la galaxie Marconi ».

Toutes les analyses de Marshall Mc Luhan se fondaient sur l’idée que la télévision était un médium fondamentalement différent de tous ceux qui l’ont précédé, et, surtout, que ce médium allait préserver ses traits essentiels, ainsi que sa place centrale dans le marché des communications, suffisamment longtemps pour que ses différents effets fussent considérables et pussent être évalués. Les choses, comme on le sait, ont tourné tout autrement. L’ordinateur est bientôt devenu, lui, un nouveau nouveau (23) médium car, dès l’apparition du microprocesseur, l’intégration des ordinateurs personnels dans des réseaux a favorisé leur fonction communicationnelle par rapport à la fonction calculatrice, qui primait auparavant. La relation entre l’homme et l’ordinateur dépasse maintenant de beaucoup en signification celle entre l’homme et le téléviseur. De plus, la communication de type « Marconi » (un émetteur central qui couvre « en parapluie » un certain territoire) cède le pas face à la communication en réseau. La télévision actuelle emprunte rapidement les caractéristiques des ordinateurs en développant son système cablé, ainsi que son interactivité.

Par conséquent, toute analyse qui part des caractéristiques télévisuelles d’il y a trente ans resterait caduque, à moins qu’elle ne s’en prenne plutôt au passé qu’au futur. Ainsi, les considérations rétrospectives de Marshall Mc Luhan sur la civilisation du livre, « la galaxie Gutenberg », gardent tout leur intérêt et peuvent nous être bien utiles pour comprendre non pas les médias, mais, peut-être, le multimédia.

La thèse fondamentale de Marshall Mc Luhan est que le médium qui transmet un message n’est pas indifférent pour le récepteur, au contraire, il peut déterminer chez celui-ci des comportements physiques et mentaux particuliers. Les moyens de communication sont des outils comme les autres et, en tant qu’outils, ils s’adressent prioritairement à l’un ou l’autre des organes sensoriels, de sorte que leur emploi menace l’équilibre entre les sens. La technologie de l’imprimerie, qui a déclenché « l’ère Gutenberg », a contribué à l’hypertrophie du visuel aux dépens de la synesthésie tactile qui, elle, était le résultat de l’interaction des sens.

Bien sûr, le livre existait avant l’imprimerie, mais la culture du manuscrit était intensément auditive et tactile par rapport à la culture du livre imprimé. Le murmure des voix accompagnait la lecture recueillie dans les cloîtres de jadis. Saint Augustin restait interdit devant la performance peu usuelle de saint Ambroise, l’évêque de Milan, qui était un des premiers à pouvoir lire en gardant le silence. L’isolation d’un sens et, par conséquent, la limitation à un seul canal informationnel pour travailler sur les « données immédiates de la conscience » auraient pour effet d’améliorer la fiabilité de nos raisonnements (24). Ces raisonnements se déroulent d’une manière linéaire, parfaitement contrôlable, suivant les tracés précis des phrases imprimées. Le chemin mental qui unit les prémisses et la conclusion, les causes et leurs effets, refait l’aventure du texte typographié qui mène inéluctablement toute narration du commencement à la fin.

Le prix à payer est l’autonomie du visuel et le sacrifice de l’interaction des sens, la favorisation des processus séquentiels de la pensée et l’incapacité de perception simultanée d’un ensemble. Le monde global des sens devient illusoire, il n’a de vérité que ce qui peut être vu et lu.

Les livres de Marshall Mc Luhan sont composés d’une manière peu habituelle à l’époque. L’exposition du sujet et des raisonnements n’en est pas ordonnée suivant la succession des pages, on a affaire plutôt à un assemblage d’affirmations et de citations qui s’étayent les unes les autres de tous côtés, stimulant le lecteur à tirer ses conclusions ou plutôt le persuadant efficacement par des moyens autres que ceux de la rhétorique traditionnelle. « L’exposé » simultané et scintillant, adorné de slogans et d’images, rivalisant avec les attractions du petit écran, prouvait bien que le maître entendait pratiquer ce qu’il prêchait.

Marshall Mc Luhan est, de nos jours, encore convaincant lorsqu’il décrit les effets globaux de la technologie de Gutenberg, mais les perspectives qu’il tentait d’ouvrir prenant la télévision comme témoin donnaient des vues plutôt côté cour ou côté jardin, que sur l’allée principale. Ce n’est pas la télévision qui a secoué les charpentes de la galaxie de Gutenberg, c’est la technologie multimédia soutenue par les réseaux d’ordinateurs. Il ne s’agit pas ici de décrire cette technologie, intéressés, comme nous le sommes, à ses dimensions culturelles et à ses effets sociaux, mais il vaut quand même mieux commencer par la perception de l’ingénieur.

Pour l’ingénieur, le multimédia est un système intriqué de technologies convergentes, médiatisées par l’ordinateur. Les systèmes multimédias rendent l’information non seulement dans sa forme symbolique – texte et équations mathématiques – mais aussi dans sa forme représentationnelle, stimulant nos sens à l’aide des sons, des images, de l’animation. Le multimédia ajoute au texte et aux diagrammes l’effet sonore, l’animation, la vidéo, tout cela devant être bien synchronisé pendant la production (25). Les produits commerciaux les plus communs sont les encyclopédies sur cédéroms, telle que Microsoft Encarta et, plus récemment, le Bibliorom Larousse (26).

On pourrait bien se dire que, s’il ne s’agissait que de la combinaison dûment synchronisée des sons et des images en mouvement, le multimédia n’apporterait pas grand-chose de nouveau, à part l’aspect purement technique, vu que le cinéma a réalisé cela depuis pas mal de temps. De plus, les hommes et les femmes ont été exposés depuis même les premiers balbutiements culturels de l’humanité aux environnements multimédias stimulatifs pour tous leurs sens, à l’occasion des représentations théâtrales.

Comprendre le multimédia impose de tracer les lignes qui démarquent le site conceptuel de cette technologie de ceux de ses voisins à ressemblance trompeuse. L’environnement multimédia inclut le texte écrit parmi les autres ingrédients audio-visuels. Cet environnement a une certaine stabilité, pour qu’il puisse être exploré à loisir, mais il a aussi un dynamisme réglable à volonté. Cet équilibre entre la stabilité et le changement n’existe pas dans le cas des deux arts que je viens de nommer. Au cinéma tout passe, tout s’écoule, le sens n’apparaît qu’au passage, les photos qui isolent des scènes du film ont peu de rapports avec celui-ci. Le spectateur n’est pas immergé dans un environnement, mais entraîné par l’illusion cinématographique, on dirait mieux cinématique, dans un mouvement tout pareil à celui qui nous porte le long des lignes jusqu’à la fin du livre. Par contre, au théâtre rien ne passe, au fond rien ne se passe qu’en apparence, au fond tout reste figé dans le grand geste, l’attitude signifiante : Clytemnestre poignarde Agamemnon, Phèdre déclare son amour, Hamlet regarde sa mère, immobiles dans leurs moments exemplaires qui se dilatent dans l’éternité. Même si ce manque de flexibilité dynamique était surmonté, il resterait évident que, au cinéma ou au théâtre, en dépit des innovations des directeurs visant à l’impliquer dans l’action, le public s’en tient à sa condition de spectateur (27).

Or, ce qui est essentiel dans le multimédia, c’est l’interactivité. Il ne suffit pas que la personne immergée dans l’environnement multimédia puisse faire des choix, régler les paramètres des stimuli, etc., elle doit être provoquée à réagir, et sa réaction doit être prise en compte, de sorte qu’elle déclenche quelque modification dans l’environnement. En voici un exemple.

b) La cathédrale et l’incunable.
Un lieu commun du dix-neuvième siècle voulait que les cathédrales moyenâgeuses accomplissent le rôle de textes pour les illettrés d’avant Gutenberg. Les portails gothiques ou les fresques byzantines n’étaient pas que des œuvres d’art, mais autant de messages que les croyants d’alors savaient bien décoder.

Victor Hugo nous donne, dans Notre-Dame de Paris, la plus poignante illustration de ces idées. Le fameux chapitre Ceci tuera cela raconte d’une manière souvent « Mc Luhanesque » comment le livre imprimé a remplacé la cathédrale quant à son rôle de médium culturel, provoquant ainsi la lente et longue déchéance de l’architecture en tant qu’art. Écoutons-le :

« C’était pressentiment que la pensée humaine en changeant de forme allait changer de mode d’expression, que l’idée capitale de chaque génération ne s’écrirait plus avec la même matière et de la même façon ; que le livre de pierre, si solide et si durable, allait faire place au livre de papier, plus solide et plus durable encore. [..] L’imprimerie tuera l’architecture. » (28)

L’architecture avait été, selon Hugo, jusqu’au quinzième siècle, « le grand-livre de l’humanité ». Pour lui « le pilier est une lettre, l’arcade est une syllabe, la pyramide est un mot ». Voir dans l’art une forme de langage tout à fait similaire au langage écrit ou parlé est une sorte de pan-linguisme qui ne manque pas de nous rappeler la mode des années soixante.

À vrai dire, pour quiconque s’est penché un peu attentivement sur les théories linguistiques, il est évident qu’on pourrait difficilement trouver, dans un « langage » artistique, architectural ou d’une autre nature, la double articulation du langage usuel. De plus, ce qui est au moins aussi important, le « langage » artistique n’a pas la propriété de transitivité qui veut, pour faire vite, qu’il y ait des possibilités différentes de dire la même chose. Dans l’art, il n’y a pas d’expressions équivalentes. On peut bien convenir que l’ensemble architectural des cathédrales, leurs vastes décorations y comprises, aient aussi eu, dans leur temps, une fonction pédagogique ou tout simplement informative, mais les « messages » que ces formes portaient ne sauraient jamais être transposés, « traduits » sans reste dans une succession de mots.

Je dirais que la cathédrale nous fournit un bon exemple d’environnement multimédia interactif plutôt que celui d’une forme d’écriture. Qu’on y entre en fidèle ou en simple touriste, on est immergé dans un environnement subtilement structuré : l’éclairage à travers des ouvertures savamment localisées ou utilisant la lumière filtrée par les vitraux, les sons de l’orgue ou de la voix humaine, les statues enfouies dans la pénombre ou les fresques contemplées à la lueur vacillante des cierges, l’odeur complexe, dont l’encens n’est qu’un des composants forment l’ensemble multimédia. Les textes ne manquent pas, fussent-ils les livres d’heures des pratiquants ou les guides bleus des touristes.

Cet environnement est dynamique et interactif, la messe s’y déroule et chaque personne réagit aux différents moments du rituel répondant, marchant, s’agenouillant, priant, avec, toutefois, un léger décalage individuel qui élimine toute rigidité. Le touriste, lui aussi, se plie aux règles du système : il consulte son guide, regarde alentour, se déplace, revient sur ses pas, prête l’oreille aux différentes sonorités. Tous les sens sont activés, l’harmonie en ressort.

Lorsque Hugo écrit : « [...] il est permis de regretter la majesté visible de l’écriture de granit, ces gigantesques alphabets formulés en colonnades, en pilons, en obélisques, ces espèces de montagnes humaines qui couvrent le monde et le passé depuis la pyramide jusqu’au clocher, de Chéops à Strasbourg », il fait une dernière révérence au multimédia, tel que la prémodernité l’avait connu, avant de se mettre à glorifier l’imprimerie, le médium qui nous a fortifiés dans la conviction que le plaisir de lire est tout différent de celui des sens.

c) Cyrano ou le virtuel partagé.
André Malraux raconte dans Les chênes qu’on abat que, à la question s’il aimait encore Rostand, de Gaulle lui répondit prudemment : « Que voulez-vous, on aime sa jeunesse. » Je ne crois pas qu’on devrait se trouver des excuses pour jouir, de Rostand pas plus que d’un autre. Surtout que, relisant Cyrano de Bergerac après une lecture des œuvres de Cyrano de Bergerac (le vrai), on est surpris de constater que le drame reste fidèle au portrait intellectuel de l’homme et réussit même, en dépit des alexandrins, à en développer les grandes lignes jusqu’à nous le ramener dans la proximité de notre ambiance culturelle, où le multimédia occupe une place centrale.

Cyrano de Bergerac vécut à l’époque de d’Artagnan mais ne fut pas seulement un bretteur comme celui-ci, mais aussi un homme du monde, un homme de lettres, un libertin et un précieux. C’était le temps de Richelieu, où les mœurs commençaient à s’adoucir. On découvrait un plaisir vif et nouveau dans la combinaison des mots et on l’expérimentait dans la conversation précieuse des premiers salons. On allait au théâtre pour voir les pièces qui annonçaient le Grand Siècle littéraire. Enfin, on était las de la rigueur conceptuelle des théories qu’on soupçonnait non sans raison de sécheresse, car elles voulaient à tout prix éliminer les sens de leurs équations.

Nous le savons maintenant, ces symptômes accompagnent la diffusion du livre imprimé avec son pouvoir de favoriser l’abstraction et le raisonnement linéaire. Le cartésianisme en est le résultat le plus spectaculaire, mais des réactions ne manquaient pas de la part de ceux qui regrettaient le charme du paradis perdu où les sens se répondaient. Ils s’appelaient des libertins, à cause plutôt de leur non-conformisme que de leur débauche et ils avaient, eux aussi, un maître à penser, c’était Gassendi. Cyrano en était le disciple et c’était à lui qu’il devait le pouvoir de dire qu’il avait pour reine la raison (29).

Gassendi, fort en avance sur son siècle, posait en principe l’incertitude libertine, c’est-à-dire l’impossibilité d’affirmer. Le philosophe combattait fermement Descartes dont il appelait le cogito ergo sum un cercle vicieux. Il lui écrivait :

« Nous sommes en désaccord parce que vous pensez pouvoir arriver sans l’aide préalable des sens aux idées qui concernent Dieu et l’intelligence [...] tandis que pour les autres philosophes les choses sensibles sont les degrés qui les mènent à l’entendement. » (30)

L’attention accordée à la vie sensuelle était bien visible dans le cadre où Gassendi pratiquait son enseignement et où Cyrano était, à côté de J.-B. Poquelin (qui n’était pas encore devenu Molière), un auditeur fervent. Sa description suggère un environnement multimédia :

« La maison, qui était prêtée à Gassendi par Luillier et qui servait, à l’ordinaire, aux parties de plaisir et aux rendez-vous amoureux, était charmante. Le philosophe, installé dans un profond fauteuil, parlait d’une voix calme et douce, d’un ton de conversation. Des tapis, des tentures, des tapisseries, des rideaux, des objets d’art rendaient la pièce où l’on se tenait fort intime. Tout y était aménagé en vue du plaisir et du confort. Les recherches, les fantaisies d’un homme voluptueux et qui voulait que sa volupté se trouvât prolongée par tout ce qui pouvait frapper sa vue, rendaient le moindre coin, le moindre arrangement de meubles, évocateur de caresses et de corps gracieux. Un parfum subtil se dégageait des coussins et des tentures. » (31)

Cette description contraste fortement avec les lieux si dénués de charme que sont de nos jours les prétendus « temples du savoir ». La civilisation du livre, à cause de la séparation des sens, admet la beauté seulement comme ornement surajouté, elle ne croit pas à sa valeur stimulative (quand on étudie, on se plonge dans le livre, on ne regarde pas alentour), donc les lieux de travail sont d’ordinaire douloureusement austères, la pompe étant reléguée aux salles d’apparat.

Il ne faudrait pas se méprendre, d’après la description, en ce qui concerne le rôle de l’auditif dans l’environnement multimédia créé par Gassendi. Le maître était aussi musicien. Souvent, on interrompait les leçons de philosophie et, sur le luth ou sur le clavecin, on laissait s’exprimer la pensée par les sons, en habiles et délicates combinaisons de rythmes et de mélodies.

La préoccupation d’intégrer tous les sens dans la vie intellectuelle, contraire à l’influence dominante de son temps, qui était celle du livre imprimé, s’est manifestée dans les écrits de Cyrano qui réussit à créer de véritables environnements multimédias par ses descriptions :

« À peine, quand je fus relevé, eus-je observé la plus large de quatre grandes rivières qui forment un lac en s’abouchant, que l’esprit ou l’âme invisible des simples, qui s’exhale de cette contrée, me vint réjouir l’odorat ; et j’ai connu que les cailloux n’y étoient ni durs ni raboteux, et qu’ils avoient soin de s’amollir quand on marchoit dessus. [...] Là, de tous côtés, les fleurs, sans avoir eu d’autre jardinier que la Nature, respirent une haleine si douce, quoique sauvage, qu’elle réveille et satisfait l’odorat ; [,,,] là, les ruisseaux, par un agréable murmure, racontent leur voyage aux cailloux ; là, mille petits gosiers emplumés font retentir la forêt au bruit de leurs mélodieuses chansons ; et la trémoussante assemblée de ces divins musiciens est si générale, qu’il semble que chaque feuille, dans ce bois, ait pris la langue et la figure d’un rossignol ; [..] Le mélange confus des peintures, que le printemps attache à cent petites fleurs, en égare les nuances l’une dans l’autre... » (32)

Il était nécessaire de citer à profusion pour saisir le fait qu’il ne s’agit nullement d’une simple description littéraire de la nature, fût-elle suprêmement réussie. L’auteur insiste sur la participation de tous les sens – la vue (les couleurs qui se fondent), l’odorat (l’haleine des fleurs), l’ouïe (les ruisseaux, les oiseaux), le toucher (les cailloux qui s’amollissent) – et prend garde de distribuer également leur poids dans l’effet général qu’il appartient au lecteur de découvrir.

Il y a un autre fragment où Cyrano tente d’expliquer sa démarche, en présentant systématiquement les cinq sens :

« [...] je me suis toujours promené le long des cinq Fontaines qui sortent de l’étang du Sommeil. [...] elles portent le nom des cinq Sens, et coulent fort près l’une de l’autre. Celle de la Vue semble un tuyau fourchu plein de diamants en poudre, et de petits miroirs qui dérobent et restituent les images de tout ce qui se présente ; [...] Celle de l’Ouïe [...] tourne en s’insinuant comme un dédale, et l’ont oit retentir au plus creux des concavités de sa couche un écho de tout bruit qui résonne alentour ; [...] Celle de l’Odorat [...] extrait de tout ce qu’elle rencontre je ne sais quoi d’invisible, dont elle compose mille sortes d’odeurs qui lui tiennent lieu d’eau ; [...] Celle du Goüt coule par saillies [...] sa liqueur ressemble à de la salive. Mais quant à la cinquième, celle du Toucher, elle est si vaste et si profonde qu’elle environne toutes ses sœurs, jusqu’à se coucher de son long dans leur lit et son humeur épaisse se répand au large sur les gazons tout verts de plantes sensitives. » (33)

La méthode de Cyrano est de créer par l’écriture une sorte d’installation multimédia, avec la précision de l’ingénieur, dont il partage l’effacement et l’impersonnalité du style. Il suffit de le comparer à Hugo, dont j’ai choisi ce fragment vivement audio-visuel :

« D’abord, la vibration de chaque cloche monte droite, pure, et pour ainsi dire isolée des autres, dans le ciel, splendide, du matin ; puis, peu à peu, en grossissant, elles se fondent, elles se mêlent, elles s’effacent l’une dans l’autre, elles s’amalgament dans un magnifique concert. [...] Prêtez donc l’oreille à ce tutti des clochers ; épandez sur l’ensemble le murmure d’un demi-million d’hommes, la plainte éternelle du fleuve, les souffles infinis du vent, le quatuor grave et lointain des quatre forêts disposées, sur les collines de l’horizon comme d’immenses buffets d’orgue... » (34)

Ce texte construit, lui aussi, avec grand art, une ambiance audio-visuelle sophistiquée, mais il lui manque la synesthésie programmée qu’on rencontre chez Cyrano. De plus, on ne peut pas s’empêcher d’entendre, sous tout ce tintamarre percussionniste, comme une basse continue, la voix autoritaire de son auteur.

La voix de Cyrano s’entend mieux dans la pièce de Rostand. Celui-ci a bien étudié son personnage et, s’il lui a faussé le style selon le goût fin de siècle, tournant la préciosité en éloquence, il a su rendre le baroque de sa substance intellectuelle.

Le jeu des masques qu’engage Cyrano avec les deux amoureux – Christian et Roxane – est essentiellement baroque. En écrivant des textes pour que le beau mousquetaire dépourvu d’esprit conquît la précieuse, Cyrano, au début, agit en auteur cherchant un bon acteur pour sa « pièce » :

        « Cyrano (regardant Christian)
        
Si j’avais
Pour exprimer mon âme un pareil interprète !

                Christian (avec désespoir)
Il me faudrait de l’éloquence !

                Cyrano (brusquement)
                
Je t’en prête !
Toi du charme physique et vainqueur, prête-m’en :
Et faisons à nous deux un héros de roman ! » 

Il serait vain de croire que son vilain nez empêchât vraiment Cyrano de plaire aux femmes. Il lui eût été facile de lutter ouvertement contre un rival mais, en Christian, il n’en voyait pas un. L’idée de cet acte à trois lui vint, à coup sûr, de son imagination tordue. Sans doute, Christian lui plaisait, peut-être autant que Roxane, donc la suggestion érotique du trio ne saurait être rejetée. Mais, plus que cela, il y allait de sa vanité d’auteur et, rappelons-nous, Cyrano était, en ce temps-là, un auteur qu’on ne jouait pas (36) et dont les meilleures répliques circulaient par la ville, plagiées effrontément par de plus heureux rivaux, tel Molière. Voilà donc, pour lui, l’occasion de mettre ses écrits sur scène.

Par ailleurs, on note dès le premier acte le désir fervent de Cyrano de se voir en représentation. C’est pour cela qu’il interrompt le spectacle avec la Clorise, Montfleury et ses œillades n’en sont que le prétexte ; ce qu’il veut c’est détourner vers lui l’attention du public et à cette fin il improvise la fameuse ballade en duellant :

« Élégant comme Céladon,

Agile comme Scaramouche,

Je vous préviens, cher Myrmidon,

Qu’à la fin de l’envoi je touche ! » (37)

Un auteur ne saurait pourtant être son propre interprète, il peut tout au plus s’approprier, comme Shakespeare, les rôles secondaires. Cyrano choisit pour lui-même celui du souffleur. Mais il y a un moment qui change tout, un moment qui fait basculer la comédie en quelque chose de nouveau, qui n’est plus du théâtre, c’est la scène du balcon. Là, Christian ne répète plus un rôle dont la partition est écrite d’avance, c’est Cyrano qui parle caché dans le lierre, Christian qui monte au balcon faisant valoir ses attraits masculins et Roxane qui réagit :

« Il viendra ce moment de vertige enivré
Où vos bouches iront l’une vers l’autre à cause
De ta moustache blonde et de sa lèvre rose ! » (38)

Les trois participent à un jeu qui n’est plus du théâtre : Cyrano n’avait pas pris en compte les réactions viscérales de Roxane qui, elle, ne se sentait pas jouer un rôle. Si on ajoute les parfums de la nuit, la musique des théorbes, qui jouent des mélodies de l’école de Gassendi, les plaisirs récents de la table dont le fameux pâtissier Ragueneau (39) a été le responsable, on peut se rendre compte que l’agencement de Cyrano avait réussi à créer pour Roxane un environnement qui stimulait tous ses sens.

Le corps de Christian, les textes précieux, la voix de Cyrano, les excitants olfactifs, la bonne chère formaient une installation multimédia de l’âge baroque. Cyrano en était bien l’auteur, mais un auteur qui était de loin dépassé par sa création : il voulait faire du théâtre et avait fait du multimédia. Il en eut la révélation dans la scène du balcon où il n’avait pas prévu comment Roxane allait réagir. D’ailleurs, elle allait le surprendre encore par son arrivée intempestive au champ de bataille et par sa brusque décision de prendre le voile. Cyrano et Christian, à leur tour, ont, eux aussi, des réactions imprévisibles, des sautes d’humeur, des sauts d’orgueil. Ils subissent, eux aussi, les effets des stimuli par eux-mêmes déclenchés.

L’environnement multimédia où ils sont immergés n’est pas stable, il ne se replie pas sur lui-même se figeant dans la grande scène significative, comme dans les pièces de théâtre. De plus, cet environnement est en grande partie virtuel. Le personnage beau, viril et spirituel que Roxane aime n’existe pas, c’est une virtualité résultée de l’interaction multimédiale.

Que Cyrano, à qui les vertus répugnent, soit un expert en virtualités, cela peut se deviner dès le premier acte, lors de la scène du repas :

« Cyrano (à Le Bret)

Je t’écoute causer.

(Il s’installe devant le buffet et rangeant devant lui le
macaron) 

Dîner !

(...le verre d’eau) 

Boisson !...

(...le grain de raisin) 

Dessert !... 

(Il s’assied) 

Là, je me mets à table !

Ah !... j’avais une faim, mon cher, épouvantable ! » 

Le savoir-faire de Cyrano culmine au quatrième acte lorsqu’il apaise la faim des Gascons de Castel-Jaloux, les traitant par une combinaison compensative de textes et de musiques. Il est d’autant plus visible dans l’agencement qui relie les deux jeunes gens et la femme par les ficelles si tenaces de l’illusion. Ce qu’il a réussi à faire, un peu malgré lui, sans doute, est d’anticiper ce qu’on nomme de nos jours un environnement virtuel partagé, c’est-à-dire une représentation multimédia qui suggère le réel, où plusieurs personnes peuvent inter-agir (40).

Naturellement, ce n’est pas la personne elle-même qui participe directement à l’interaction, mais son avatar, une image animée et parlante qui la représente et qui peut être contrôlée. Dans le virtuel partagé de nos trois héros, la situation était même plus complexe car chacun d’eux pouvait bien être l’avatar de n’importe quel autre. Il est évident que Cyrano voulait faire de Christian son avatar, mais dans le multimédia, et surtout dans le virtuel, les choses tournent d’une manière souvent imprévisible, de sorte que, par la disparition de Christian (qui se sentait probablement de trop), Cyrano est resté, lui, l’avatar de Roxane. La pièce est finie, le spectacle multimédia continue.

 

4. La revanche des livres

En 1991, Le Nouvel Observateur donnait avec une satisfaction mal contenue le titre La revanche des livres à un de ses dossiers spéciaux (41). Appuyés sur de fortes statistiques, surtout concernant l’évolution du nombre des titres édités, les intellocrates appelés au conclave clamèrent la victoire du médium traditionnel de la culture

Écoutons Laurent Joffrin à l’accent hugolien : « Voilà plus d’un siècle que le vieil imprimeur résiste à tout, impavide derrière ses murailles de papier [...] La galaxie Marconi, qui devait succéder à cette antique galaxie Gutenberg, dont Mc Luhan annonçait la fin, est restée à l’état de nébuleuse ». Et Bernard Pivot de gloser lyriquement : « Moi, livre, je peux me glisser n’importe où : dans la poche de mon lecteur qui monte dans l’autobus, qui prend un train, un avion, qui attend son tour chez le coiffeur... Je suis partout, je vais partout ». Umberto Eco, féru de l’ordinateur, explique le retour de l’écrit par le simple fait que sur l’écran du moniteur il y a surtout des mots, ce qui n’était évidemment pas le cas sur l’écran de télévision. Péremptoirement : « L’ordinateur, c’est la civilisation de l’alphabet, comme les civilisations, de la pyramide à l’église baroque, ont été celles de l’image. »

En vérité, le dialogue avec l’ordinateur se déroulait, en 1991, surtout par des messages, le système d’opération MS DOS étant alors le plus répandu. Depuis, le système Windows, avec ses images séduisantes (42), a pris le pas sur les autres et la plupart des langages ont développé à leur tour des versions visuelles. Le multimédia ajoutant son spectaculaire, il serait hasardeux aujourd’hui de prendre l’affirmation d’Eco au pied de la lettre. Il n’en reste pas moins que le multimédia, tel qu’il est géré par les ordinateurs intégrés en réseaux, remet en actualité le concept du livre, mais celui du livre utopique, infini et infiniment séducteur, possible métissage entre le livre de Borges et celui d’Andersen.

L’intégration des bases de données dans le réseau de tous les réseaux (Internet) permit qu’une vaste information (à peu près égale à l’infinité combinatoire des symboles que Borges enfermait dans son livre de sable) fût disponible, à la portée des voyageurs sur « la toile qui enveloppe le monde » (world wide web). Chaque document que l’on trouve à un site est rédigé dans le langage à mots marqués (html), de sorte que la lecture puisse emprunter une pluralité de voies. Le texte parcouru dans tous les sens devient un hypertexte. Si le document contient aussi des fichiers qui codifient des structures sonores ou des figures, donc s’il peut être exploré non seulement dans plusieurs sens, mais aussi par plusieurs sens, on l’appelle hypermédia. Les hypertextes et les hypermédias des sites intégrés à l’Internet sont disponibles en ligne, ils peuvent s’enchaîner entre eux formant, dans leur ensemble, un succédané du livre utopique.

Comme on ne peut que feuilleter au hasard le livre infini, en actualisant un livre concret par l’enchevêtrement des trajets parcourus, on navigue dans toutes les directions sur la texture du world wide web par des successions de choix qui font s’accoupler n’importe quel document à d’autres documents et dont le résultat est un hypertexte ou hypermédia nouveau.

Dénommé par Christopher Keep (43) « incunable de la révolution numérique », l’hypertexte n’existe pas en tant qu’objet. Il existe seulement en puissance, c’est l’interaction entre le logiciel et la personne au clavier qui détermine sa forme. La nature précise de cette interaction varie selon la lecture et selon le lecteur : un lecteur d’hypertexte ne lit pas les mêmes mots et ne les lit pas dans le même ordre qu’un autre. De plus, la lecture n’est pas innocente, chaque lecteur modifie l’hypertexte par ses interventions, par ses commentaires, par ses annotations que le caractère interactif du multimédia lui impose.

Les scientifiques se sont habitués au bon usage des hypertextes avant l’apparition des ordinateurs. La lecture d’un livre ou d’un article ne se fait pas de manière linéaire et progressive. On part d’un résumé, on cherche une référence, on s’embarque à la découverte de l’histoire d’un concept, on revient sur ses pas, on revérifie une équation, les chemins de l’étude bifurquent mille fois, et souvent le meilleur choix est le fruit du hasard. Le résultat de ce travail est un nouvel article ou livre, composé avec des fragments des anciens, auxquels s’ajoutent les critiques, les aperçus, les idées nouvelles du lecteur / auteur (44). On dirait que l’hypertexte exige un nouveau type de récepteur, l’hyperlecteur, celui pour qui la démarcation entre consommation (lecture) et production (écriture) devient floue.

Quant à l’hypermédia, on trouve un illustre précédent dans le musée imaginaire, que les développements des techniques typographiques ont rendu possible. André Malraux, rangeant sur le plancher de son salon des reproductions d’art, traçait des routes mobiles entre les statues de Gudea et les sculptures cubistes, faisait que l’art roman rencontrât l’art chinois, révélait le dialogue des formes et leur corrélation au-delà des différences culturelles et religieuses. Une fois les reproductions choisies, les détails des œuvres bien spécifiés, le texte dûment ajouté et la mise en pages réalisée avec soin, l’album qui en résultait, offrant un seul trajet de consultation, ne relevait plus de l’hypermédia, mais le travail qui l’avait précédé en était une exacte et dynamique représentation.

L’ordinateur offre des moyens tout à fait analogues pour le traitement du texte, de l’image ou des sons. L’enchaînement des documents multimédias peut être réalisé en sélectionnant des mots, des images ou bien certains de leurs détails, des fichiers sonores. La conséquence en est que le travail d’incruster des images et des sons dans un texte, de créer des trajets entre ceux-ci, de composer, enfin, avec des mots, des figures et des sons relève de la pratique linguistique d’ordonner un vocabulaire selon les règles d’une grammaire. L’autonomie de l’expression artistique par rapport au langage se trouve diminuée, les lois de la rhétorique littéraire arrivent à dominer le multimédia en son ensemble, ce qui pourrait être envisagé comme une surprenante revanche de la culture livresque.

L’exportation des stratégies de l’écriture vers la composition multimédia n’a pas échappé aux observateurs attentifs. Wolfgang Wakernagel (45) propose la notion d’icôgraphie ou de calligraphie virtuelle pour l’art d’écrire et de dessiner en images, soulignant ainsi la similitude du traitement des mots et des figures. L’invention de ce mot par la suppression du no de l’ancien mot iconographie imite la compression informatique qui est une des caractéristiques des ordinateurs. Par contraction, le sens du mot est changé : alors que l’iconographe écrit à propos, c’est-à-dire à côté des images, l’icôgraphiste est un artiste ou chercheur multimédia qui travaille à l’intérieur même de celles-ci. En ce sens, le calligramme informatique ou virtuel est un icôgramme par excellence.

La revanche du livre par l’hypermédia est double. D’une part, il ravive notre espoir tant de fois déçu dans le livre utopique, qui englobe tout le savoir d’une manière séductrice. D’autre part, le multimédia renforce l’autorité que les stratégies de l’écriture exercent sur la grammaire de l’audio-visuel. Mais, tandis que le livre nous conduisait sur un chemin linéaire du connu vers l’inconnu, l’hypermédia nous incite à vaguer dans tous les sens, à percevoir par tous les sens, à flâner tous azimuts. Si le verbe du lecteur traditionnel était feuilleter, le multimédia nous réapprend à bibeloter et l’hypermédia nous fait surfer. Au commencement, c’était bien le verbe, nous avons maintenant les verbes qui nous permettent de construire le discours multidimensionnel où « Les parfums, les couleurs et les sons se répondent » .

Mais le livre virtuel de l’hypermédia manque de corps, donc il ne contribue pas au développement de l’autonomie fragile du sujet. Le lecteur de l’hypertexte n’est plus une monade, comme celui des livres, mais un lieu de connexion, d’échange, un jeu de rapports entre hommes et machines (47). Ce lecteur qui vague dans l’hétérogénéité de l’information multimédiale cesse d’être un individu car, dans l’absence du miroir qui le reflète, il perd le point de référence unique, il oublie jusqu’à son nom. Il ne garde de sa dimension altière d’autrefois que l’impression de liberté donnée par les multiples choix qu’il est censé faire en maniant le clavier. Il oublie que l’hypermédia, comme le supermarché, est organisé de façon à lui suggérer les désirs.

La pratique du bricolage du texte, des images et des sons transforme notre corps d’une totalité fixe en un site de communication et d’échange. La conscience de soi s’efface et, avec elle, la conscience du monde. La toile informatique sans cesse retissée en mine la permanence et la consistance, et empêche ainsi que le monde aboutisse à un livre.

 

Notes

(1) Perdu dans le labyrinthe. Ce texte, qui fait partie du recueil ALEXANDRIE – La Bibliothèque virtuelle, peut être retrouvé sur Internet à l’adresse http ://www.refer.fr/mfc/LITT-INF/0-000.htm.

(2) Les livres comme Children of a lesser god, voilà une image qui a au moins le mérite de nous extraire pour un moment de l’espace francophone.

(3) Gargantua, chapitre 3.

(4) Cf. Paul Cornea, Introduction dans la théorie de la lecture (en roumain). Éditions Minerva, Bucarest, 1988.

(5) À l’exception de la lecture idéologique qui, elle, est à la recherche d’une inspiration pour quelque action.

(6) Citons, comme il convient à ce propos, Apollinaire : « Notre amour est noble et tragique / Comme le masque d’un tyran / Nul drame hasardeux ou magique / Aucun détail indifférent / Ne rend notre amour pathétique » (Alcools).

(7) Paul Claudel, Partage de midi, acte I.

(8) « Mon nom est Personne », disait Odyssée à Polyphème.

(9) Cité par Christopher Keep, voir note 1.

(10) On partage l’émotion de l’enfant qui, d’un coup, réussit à donner un nom à son indescriptible amas de sensations, disant, tel un Flaubert de bas âge : « Pinocchio, c’est moi. »

(11) « Je suis un peu de tout ce que j’ai rencontré », dit Odyssée, dont le voyage aurait très bien pu durer un jour (selon Joyce) et se dérouler dans une bibliothèque.

(12) « Enlevez-lui le livre », dit Caliban à propos de Prospero. Don Quichotte allait perdre ses livres, on a tenté de confisquer la bibliothèque de Heidegger en guise de punition. Les dictatures s’appliquent souvent à brûler les bibliothèques.

(13) Jorge Luis Borges, La mort et la boussole (trad. roum.). Éditions Univers, Bucarest, 1972, p. 111-112.

(14) Jorge Luis Borges, Le livre de sable (trad. roum.). Éditions Univers, Bucarest, 1983.

(15) Il n’est pas surprenant qu’une revue de poésie dirigée par Philippe Sollers s’appelle L’Infini.

(16) Stéphane Mallarmé, Igitur, Divagations, Un coup de dés. Éditions Gallimard, 1989, p. 54. Œuvres complètes, NRF, La Pléiade, p. 441.

(17) Francis Bacon soutenait que la difficulté de lire le Livre de la Nature venait de ce que certaines de ses pages avaient été maculées par le péché originel.

(18) On dirait la petite phrase de la sonate de Vinteuil.

(19) Stéphane Mallarmé, op. cit., p. 266-277. O.c., p. 378 (cf. p 872).

(20) « J’appelle roman cette narration dans laquelle la création transcende l’écriture pour faire monde. » Michel Guérin, La politique de Stendhal. PUF, 1982, p. 122.

(21) H. C. Andersen, Les cygnes sauvages (en allemand). Andersens Mörchen. Anton & Co., Leipzig, p. 91.

(22) Tel le nouveau nouveau roman.

(23) Cette affirmation, que Marshall Mc Luhan emprunte à William Ivins (Prints and Visual Communication) me paraît, pour le moins, discutable. Voir Marshall Mc Luhan, La galaxie Gutenberg (trad. roum.), Éditions Politica, Bucarest, 1975, p. 211.

(24) « Special Report : Interactive Multimedia ». IEEE Spectrum, vol. 30, n° 3, March 1993, p. 23-39.

(25) Il est symptomatique pour l’esprit anglo-saxon que Encyclopedia Britannica se méfie des multimédias, quoiqu’elle eût recours d’ores et déjà à l’hypertexte.

(26) Jouant quelquefois sa propre pièce, indépendamment du spectacle. Voir Georges Banu, Le rouge et l’or.

(27) Victor Hugo, Notre-Dame de Paris. Éditions Victor Lecou et Hetzel, Paris, 1855, p. 208.

(28) Georges Ribemont-Dessaignes, Préface aux Œuvres de Cyrano de Bergerac. Éditions le Club français du livre, 1957, p. 17-18.

(29) Cité par G. Ribemont-Dessaignes, op. cit., p. 18.

(30) Louis-Raymond Lefèvre, La vie de Cyrano de Bergerac. Gallimard, 1927, p. 94.

(31) Cyrano de Bergerac, Voyages fantastiques. Éditions L. C. L., Paris, 1967, p. 15-17. Les illustrations de Bernard Buffet et le raffinement typographique font de ce livre l’esquisse d’un système multimédia.

(32) Cyrano de Bergerac, Œuvres. Éditions le Club français du livre, Paris, 1957, p. 252.

(33) Edmond Rostand, Cyrano de Bergerac. Éditions Pierre Lafitte, 1939, acte 2, scène X, p. 129.

(34) Victor Hugo, op. cit., p. 162-164.

(35) Ce n’est que vers la fin de sa vie que, devenu le protégé du duc d’Arpajon, celui-ci lui fit jouer Agrippine par la compagnie de L’Hôtel de Bourgogne.

(36) E. Rostand, op. cit., p. 52.

(37) Ibid., p. 172.

(38) Que Cyrano avait présenté à Roxane.

(39) E. Rostand, op. cit., p. 57.

(40) Voir « Sharing Virtual Worlds », Special report. IEEE Spectrum, vol. 34, n° 3, March 1997, p. 18-51.

(41) N° 1406 de 17 au 23 octobre 1991.

(42) Eco affirme quelque part, en plaisantant, que le système Windows est pareil au catholicisme qui vous éblouit par la splendeur de ses cérémonies, le MS DOS ressemble au protestantisme qui exige la participation lucide, tandis que la programmation directe relève de la Cabbale par son extrême complexité.

(43) Voir note 1.

(44) C’est exactement comme ça qu’on a composé l’ouvrage que vous lisez maintenant.

(45) Calligraphie du virtuel. Cet ouvrage put être retrouvé sur l’Internet au site Alexandrie : la Bibliothèque virtuelle. Voir note 1.

(47) Christopher Keep, voir note 1.

A la Une

 La culture suppose l'enracinement, la profondeur et la perspective d'un épanouissement sans cesse en progrès. 

Jacqueline de ROMILLY

Présidente d'Honneur de la Biennale de la langue française (2002-2010)

Dans Le Trésor des savoirs oubliés, éditions de Fallois, 1998, p. 93