Débat CANADA AMERIQUE 2
André Obadia, Vancouver
La nouvelle réglementation concernant les immigrants francophones qui veulent s'installer hors Québec, mise en place grâce à la dernière initiative de Mme Dyane Adam, Commissaire aux langues officielles, a-t-elle un effet sur la démographie francophone hors Québec ?
Michel Chartier
La Fédération des communautés francophone et acadienne travaille de près avec le gouvernement fédéral afin d'établir des structures et de se préparer à assurer l'accueil de francophones dans nos communautés.
Il y a environ deux ou trois ans, le Manitoba , de son propre gré, a cru bon de commencer à se préparer et à initier un processus d'accueil pour les immigrants au Manitoba. Nous sommes allés rendre visite au Maroc, par exemple, pour faire savoir qu'au Canada, le Québec n'était pas la seule province où les francophones pouvaient s'installer; que, dans l'ensemble de l'Ouest canadien, des communautés francophones vibrantes à l'extérieur du Québec pouvaient les accueillir; on parlait de Saint-Boniface en particulier, parce que c'est le Manitoba qui avait rendu visite au Maroc. Depuis, pour une visite d'environ deux semaines, une quinzaine de familles déjà se sont installées à Saint-Boniface en provenance du Maroc. Ce sont de jeunes familles qui ont trouvé de l'emploi, qui envoient leurs jeunes dans nos écoles et qui se sont intégrées dans la communauté francophone à Saint-Boniface et au Manitoba. C'est un petit exemple de promotion pour le Canada français à l'extérieur du Québec au niveau international qui favorise l'évolution positive de nos communautés, tant au niveau démographique que culturel.
André Obadia à Mme Joan Netten
Quels défis se présentent pour la Canadian Parents for French ?
Joan Netten
Les défis de CPF - Canadian Parents for French sont les suivants: d'abord le décrochage de ceux qui étudient le français langue seconde, surtout au secondaire. Le but de CPF est de promouvoir l'apprentissage de la langue française auprès de la plupart des jeunes, au Canada. Nous avons, en ce moment, le plus grand pourcentage de jeunes bilingues au Canada depuis toujours presque 35% de nos jeunes , mais nous risquons de perdre cet avantage si nous ne pouvons pas garder nos étudiants au secondaire. Les raisons sont parfois difficiles à établir. Dans la plupart des provinces, l'enseignement du français langue seconde n'est pas obligatoire, mais il est plus ou moins accepté de la quatrième à la neuvième année. Après la neuvième année, les étudiants choisissent eux-mêmes de continuer le français ou non parmi une multitude de choix. Il faudrait travailler avec des francophones de langue maternelle française pour convaincre les jeunes de l'importance pour leur développement personnel et celui du pays de continuer à étudier leurs deux langues officielles pour devenir bilingues.
En second lieu, le système scolaire ne donne pas toujours un appui au programme du français langue seconde. Les coupures budgétaires visent souvent en premier les programmes de français qu'on coupe en premier. Il faut convaincre la société canadienne en général de la valeur de l'apprentissage du français.
En troisième lieu, nous aimerions avoir plus de programmes de français donc des étudiants qualifiés pour offrir ces programmes. Or nous n'avons pas assez de futurs enseignants en français langue seconde. Le français de base, mais aussi nos programmes d'immersion française sont donc en danger dans les écoles anglophones.
Gratien Allaire, Université Laurentienne de Sudbury
Hilaire Lemoine vient de me fournir certains renseignements sur le projet de loi de l'immigration qui vise, à l'instance ou à la demande de la Commissaire aux langues officielles, à mettre en application l'Article 41 de la Loi sur les langues officielles dans le cadre de l'immigration. Comme Michel Chartier, je dirai que cette addition de la francophonie dans les communautés à l'extérieur du Québec est certainement la bienvenue. Les structures d'accueil sont plus ou moins développées selon les provinces et les communautés. À Sudbury, par exemple, où il y a une association multiculturelle. Dans l'ensemble des provinces, des associations multiculturelles et des structures d'accueil sont en place peut-être à différents niveaux de qualité. Mais elles sont là. Bénédiction et en même temps défi pour les communautés francophones qui n'ont pas nécessairement les moyens de, je n'ose pas utiliser le terme d'intégration qui a des connotations particulières, rattacher les divers éléments des communautés multiculturelles à l'intérieur des communautés francophones qui existent déjà. Défi très important, que ce soit au Québec ou à l'extérieur du Québec.
Lisa Balfour Bowen
Merci pour votre intervention. Y a-t-il d'autres commentaires sur le même sujet ?
Question à Mme Pham-Huy
Continuez-vous à parler la langue maternelle de vos parents ? Et si oui, envisagez-vous de transmettre cette richesse à vos enfants ?
Anne Pham-Huy
Bien sûr! En ce moment, je parle français avec mes sœurs mais je parle vietnamien avec mes parents en fait, c'est le vietnamien avec un mélange de français. J'aimerais aussi que mes enfants connaissent le vietnamien. Je vous encourage tous à apprendre le vietnamien, ce n'est pas si difficile! (Rires)
Roland Rainville
Canadien né au Lac Saint-Jean, (Québec), à l'âge de vingt-deux ans, j'étais à l'Université Laval de Québec et, à la fin de mes études, il m'est apparu nécessaire d’étudier l'anglais. À Kingston, en Ontario, j'ai travaillé pour Alcan et étudié l'anglais, ce qui m'a révélé un monde que j'ignorais totalement. J'ai finalement découvert que grâce à l'étude d'une deuxième langue j'étais naturellement forcé d'améliorer mon expression en français. J'ai écouté Mme Joan Netten avec énormément d'émotion. J'ai rêvé depuis longtemps de ce progrès possible du bilinguisme, je suis convaincu qu'il va se réaliser.
Joan Netten
J'ai trouvé que l'apprentissage d'une langue seconde, surtout le français, était vraiment très important dans ma vie. Je suis très attachée à la langue française et à son apprentissage, et les gens que j'ai rencontrés ont enrichi ma vie. J'aimerais que tous les jeunes Canadiens vivent cette même expérience.
Claire-Anne Magnès, communauté française de Belgique à M. Luc Lainé
Vous avez parlé de la nation huronne-wendat. Y a-t-il une autre nation huronne ? on connaît des noms de peuples indiens... les Hurons, les Iroquois... Et chez les Hurons, il y a un personnage romanesque célèbre, l'ingénu de Voltaire. Y a-t-il une autre nation huronne ? parce que dans l'Ingénu, le Huron, en Bretagne, donne des explications de mots hurons à ceux qui l'hébergent et qui l'ont accueilli.
Luc Lainé
À ma connaissance, non, la seule nation huronne qui existe, c'est nous.
Intervention de la salle
Et celle d'Oklahoma ?
Luc Lainé
C'est la même nation. En 1649, elle a été séparée en deux. Je vous informe qu'à la fin de cette semaine, le 5 août, c'est le trois centième anniversaire de la Grande Paix de Montréal, et un des grands chefs, un des artisans de cette grande paix avec la Couronne française, notamment, et avec les Iroquois était le grand chef Kondiaronk, un Huron. Chez moi, à Wendake, cette fin de semaine, les représentants wendat de Wendake seront chez nous pour commémorer le trois centième anniversaire. C'est la même nation.
Yvette Le Gal, Ottawa.
Quelqu'un parlait du passé très lourd à assumer dans sa région mais parlait avec beaucoup plus d'intérêt du présent, de l'avenir et du développement de sa province. C'est un peu le même discours que vous tenez maintenant. Il est enthousiasmant de voir que les jeunes veulent prendre leur avenir en main dès aujourd'hui, avec cette ouverture sur le monde entier. Un conférencier a parlé du mouvement associatif et de son rôle. Un autre a fait mention du fait que l'école était très importante, mais que, si on voulait vraiment aller plus loin dans l'utilisation de la langue, il fallait s'assurer qu'il n'y ait pas de décrochage et qu'une prise en main de notre avenir devrait dépasser le cadre scolaire. Cette réflexion n'a pas eu le temps d'être développée, M. Dubé peut-il la reprendre ?
Paul Dubé
À l’intérieur des grands systèmes scolaires des différentes provinces, on promulgue, on communique l'idéologie dominante, une idéologie qui empêche la francophonie de s’exprimer réellement. Je disais qu'il fallait révolutionner le système scolaire, l'adapter à nos besoins et profiter de ce que la Cour suprême nous a dit que c'est à la communauté de définir les instances déterminantes de ses besoins en éducation française et de ses projets d'avenir, et non pas au ministère.
Yvette Le Gal
Les jeunes peuvent se dire: À quoi ça sert une langue importante seulement à l'école si après, dans la réalité, la langue n'est plus importante ?
Paul Dubé
Comme je l'ai dit, l'école fait du don-quichottisme si la nécessité et le besoin de la langue n'ont pas d'abord été inculqués au foyer. Ensuite l'école peut arriver à développer le capital symbolique nécessaire à la survie de la langue, c'est-à-dire à la nécessité, au besoin de la parler et à l'amour de la langue. Après l'école, le besoin s'élargit à l'ensemble de la communauté. Mais le tandem école-foyer est essentiel sinon c'est peine perdue dans le contexte de nos communautés minoritaires avalées, pour ainsi dire, par la culture anglo-imminente.
Paul Dubé à Isabelle Chiasson
Vous avez parlé de votre expérience personnelle, qui est exceptionnelle car vous êtes issue d'une famille militante. La situation de la majorité des jeunes ne correspond pas tout à fait à la vôtre. Vous avez dit : Si on pouvait arriver à faire comprendre aux jeunes que la langue française mène ailleurs. Le mot important, c'est justement le si . Comment peut-on développer chez eux cette nécessité, ce besoin de la langue, cette symbolique qui crée la mobilisation dont on parle auprès des gens qui n'ont pas vécu votre expérience personnelle ?
Isabelle Chiasson
Si on avait la réponse à votre question, on ne discuterait pas de l'avenir du français chez les jeunes au Canada. C'est une question qui vaut très cher, savoir où est ailleurs. La langue française mène ailleurs ou mène à autre chose. S'il n'y a pas d'emploi ou pas de possibilités dans la proximité de la communauté où on est né, la langue française va finalement être utilisée au foyer, elle va s'arrêter en douzième année, et ensuite une autre langue va prendre le dessus. La fierté de la langue française ne sera pas transmise à la prochaine génération.
Yvette Le Gal
Chaque fois qu'il y a un sondage auprès des jeunes, la question de l'emploi, dont nous n'avons pas parlé, est toujours prioritaire dans leurs réponses.
Gratien Allaire
C’est toute la question du marché de l'emploi, des possibilités d'emploi. Un argument est extrêmement important et j'aimerais avoir la réaction des jeunes. J'ai l'impression qu'on est en train de vivre un passage de génération comparable à ce que ma génération a connu dans les années soixante, soixante-dix, et qu'une bonne partie de la difficulté ou des difficultés dont on parle sont le fait de ce passage. C'est la première partie.
La deuxième partie, c'est que les gens qui, comme moi, ont connu le premier passage de générations sont à la veille de prendre leur retraite, ce qui ouvre de façon beaucoup plus importante le marché de l'emploi. Beaucoup plus importante que ce qui existait il y a dix ans, même cinq ans, où je n'aurais pas personnellement tenu le discours d'une ouverture du marché au contraire mais, dans les cinq dernières années, avec des décisions de mise à la retraite, et de prises de retraite, le marché de l'emploi est beaucoup plus ouvert et la jeunesse actuelle va avoir beaucoup plus d'opportunités de choisir, et beaucoup plus de loisir pour contester également. Je me demande quelle est la réaction de ces trois jeunes à cette hypothèse.
Isabelle Chiasson
Plus de possibilités s'offrent en effet aux jeunes, la fonction publique va elle-même devoir faire des changements à l'intérieur de son organisation pour attirer des jeunes et leur démontrer que ce n'est pas si rigide. Si les jeunes intègrent des sphères comme la fonction publique, cette dernière devra elle-même leur faire une vraie place et s'ajuster à la nouvelle réalité, mais je ne crois pas que les jeunes se sentent étouffés à cause du manque de possibilités. On est au Canada où certains programmes existent. D’autres pays, entre autres européens, vivent présentement des problèmes très difficiles à ce sujet.
Laurent Galissot, de l'Ambassade de France à Ottawa
À propos des échanges scolaires et de ce qui peut être fait autour des écoles, le Québec a énormément développé cet aspect avec l'Office de la Jeunesse. En Acadie, notamment, a été créée une Fondation pour la jeunesse à laquelle la France a apporté une contribution importante. Il y a une énorme demande de lycées français, de collèges, de demandes de partenaires et d’interlocuteurs dans toutes les communautés francophones du Canada. Il ne faut pas sous-estimer cet aspect parce que cela crée des liens à très long terme. Ce n'est pas sur Internet, où les échanges sont virtuels, ce sont de vrais liens qui apportent énormément de part et d'autre. Il faut miser sur des choses qui ont fait leurs preuves et qu'il faut sans doute amplifier, faire connaître auprès de nous et auprès de tous les partenaires français qui souhaitent et ils sont très nombreux avoir des liens avec les communautés francophones du Canada.
Michèle Valiquette, du Bureau de la traduction du gouvernement canadien.
Au Bureau de la traduction, nous avons commencé à embaucher des jeunes depuis quelques années et c'est extrêmement stimulant pour la vieille garde dont je fais partie. Je vis présentement un transfert de mes connaissances vers des plus jeunes qui nous apportent beaucoup parce qu'ils connaissent beaucoup mieux que nous les nouvelles technologies. Finalement, je trouve cet échange entre deux générations extrêmement stimulant. J'espère que ce l'est tout autant pour les jeunes qui me côtoient.
Bertin Dzangué, république du Congo
Je profite de ce moment pour jeter un cri d'alarme. Je viens d'un pays qui est sorti d'une guerre atroce. Il y a eu des milliers et des milliers de morts. C'est un pays en reconstruction matérielle, psychologique et sociale. Le chômage des jeunes aujourd'hui y est un problème grave dont il faut parler. On remarque surtout des jeunes qui ont été à l'école et quittent le pays sans dire au revoir. Il serait important de jeter un peu d'oxygène là-bas parce que la langue première du Congo, c’est le français. De la première classe jusqu'au collège, vous n'apprenez que le français. Arrivé au collège, en classe de sixième, on vous apprend les bases de l’anglais comment dire bonjour, etc. C'est à partir du lycée que l'on commence à apprendre l'anglais. Donc la majorité de la jeunesse, chez moi, ne parle que français. Mais après ses études, on est au chômage, on traîne dans la rue. Celui qui n'a pas fait d'études vit de débrouille et vit mieux que celui qui est allé à l'école, qui a étudié, et qui a ses diplômes. À quoi sert d'aller à l'école ? c'est un grand point d'interrogation car on n'y apprend que le français et pas autre chose et on se demande:que vais-je faire avec ce que j'ai appris ?
Ce serait vraiment très important d'apporter de l'aide, des contributions et un soutien directement aux écoles et aux associations. Si l'Internet est cet outil essentiel, c'est un grand luxe à Kinshasa, n'ayant pas d'ordinateurs disponibles pour la jeunesse qui est vraiment en difficulté dans mon pays. C'est un cri d'alarme essentiel. Personnellement, je travaille notamment avec la Croix Rouge et l'Unicef et on crie aussi haut et aussi fort que l'on peut pour l'aide à la jeunesse. Si l'espoir est devant soi, encore faut-il pouvoir y accéder. Merci.
Lisa Balfour Bowen
Merci à vous monsieur. J'espère qu'il y aura plus d'aide à votre pays dans l'avenir. J'ai entendu hier quelques-uns de vos compatriotes d'Afrique parler de leurs conditions assez pénibles et je déplore le fait que ces conditions existent. J'espère que l'Amérique du Nord pourra fournir plus d'aide à l'avenir.
Bertin Dzangué, de l'Association franco-yukonnaise
Je travaille pour le développement touristique sur le territoire du Yukon et j'ai beaucoup aimé la présentation d'Isabelle Chiasson parce que je me suis sentie interpellée sur le militantisme; je trouve qu'elle a eu le courage de dire qu'elle n'était pas militante et qu'elle n'en sentait pas le besoin en tant que jeune. Je suis dans le même cas. Je ne me sens pas militante, par contre je vais favoriser le développement touristique en français. Je vais essayer de collaborer avec le gouvernement territorial pour essayer d'avoir davantage de services et de produits en français, pour favoriser et développer le potentiel francophone du tourisme là-bas. Je vois le fait français pour les jeunes comme un moyen plutôt qu'une fin. Un moyen pour accéder à des postes bilingues, pour découvrir d'autres nations, d'autres pays, d'autres cultures où l'on parle français; et ainsi pour attirer les jeunes au fait français. J'aime m'exprimer en français, j'aime utiliser le français comme langue de travail, comme langue à la maison, comme langue de tous les jours, mais c'est plutôt comme moyen que j'aime l'utiliser.
L'autre aspect, c'est le rôle de l'école et de l'éducation en français. Je voudrais rappeler le rôle social des associations. Les jeunes vont se sentir interpellés si le contexte social favorise l'expression française. On a beau apprendre le français à l'école, si autour de soi les amis parlent anglais, on va parler anglais. Favoriser des associations comme “Espoir jeunesse” au Yukon qui aide les jeunes à se regrouper et à développer des activités culturelles et sportives en français développe un sentiment d'appartenance et l'Association franco-yukonnaise fait un beau travail en ce sens-là dans tous les domaines, incluant le développement touristique.