Débat 2 sur l'enseignement

 

Question

Je remercie tous les intervenants qui nous ont permis de saisir la portée de l'enseignement de la langue française. M.Dakpogan, enseignant, a bien situé l'historique de l'enseignement de la langue française au Bénin. J'aurais bien aimé savoir, face au désastre qu'on a constaté, de la langue française qui recule, des jeunes qui ne savent plus utiliser cette langue, etc., ce qu'il serait bon de faire pour que la langue française soit réellement une langue aimée, pratiquée, utilisée aujourd'hui au Bénin ?

En ce qui concerne TV-5, je sais un peu ce qui se fait pour TV-5 Amérique; mais pour TV-5 Afrique j'ai beaucoup de griefs. On ne vit pas TV-5 Afrique en Afrique car trop de programmes sont européens. Il faut permettre aux Africains de vivre aussi la réalité et je ne refuse donc pas le fait que de temps à autre il y ait des émissions d'autres régions, c'est la diversité culturelle. Mais pour TV-5 Afrique, au moins 60% des émissions devraient être africaines.

 

Marius Dakpogan

Pourquoi ce désastre de la langue française ? Je crois que des constats sont à faire, mais il ne faut pas de but en blanc parler de désastre. L'approche de la langue telle que nous l'avons connue n'est plus la même que celle que connaissent nos enfants aujourd'hui. Ce n'est donc pas un désastre, c'est un renouvellement. Mais, quelques difficultés sont liées à l'enseignement du français et je les ai évoquées. Il ny a plus de recrutement, pratiquement, dans notre pays, plus de formation initiale et la plupart de ceux que nous recevons maintenant comme enseignants de français sont de jeunes étudiants qui ont obtenu une licence ou une maîtrise en lettres modernes ou en droit. Généralement, ce sont des gens de passage. Il serait important de corriger cette situation en essayant d'obtenir un véritable cours d'enseignant de français, et s'atteler à cette tâche.

D'autres problèmes, comme celui que j'ai évoqué, concernent les effectifs pléthoriques et le manque de matériel didactique auxquels nous ne pouvons pas répondre maintenant.

 

Fabienne Cauchi

Pour la programmation de TV-5 Afrique, la grille de programmation est la même pour tous les continents ou presque afin de joindre le plus de personnes possible. Si on mettait 60% démissions africaines, tous les pays du monde entier recevraient 60% démissions africaines. C'est très difficile, parce que les Vietnamiens voudraient aussi avoir 60% démissions vietnamiennes, etc., et l'on perdrait le caractère généraliste de la chaîne. À une époque où on recevait plus d'émissions en provenance d'Afrique francophone et ces dernières années, on peut les compter sur les doigts d'une seule main. Je n'en connais pas la cause exacte, mais je pourrais vous adresser à notre directeur de programmation de TV-5 Afrique.

 

Herman Zoungrana (Burkina Faso)

Je voudrais poser une question en deux volets à M. Marius Dakpogan. Le premier se fonde sur la convention relative aux droits de l'enfant qui est aujourd'hui ratifiée par tous les pays du monde entier excepté la Somalie et les États-Unis. Et le thème de M. Dakpogan l'enseignement du français me fait penser à l'accès même à l'éducation, problème au niveau des pays africains, où le taux d'alphabétisation est tellement bas. Un chiffre m'a toujours indigné dans les documents de l'Unicef où il est dit qu'il faudrait à peu près sept ou huit milliards de dollars pour donner un enseignement primaire aux enfants du monde entier, et que ce montant correspond à ce que l'ensemble des pays du monde entier dépense à des fins militaires en seulement quatre jours. Je suis révolté de ce manque de volonté politique. Au Bénin, y a-t-il une volonté politique affichée, au delà-même de l'enseignement du français, pour l'accès même à l'éducation ?Le Bénin, comme le Burkina Faso, a ratifié la convention qui dit que les pays signataires doivent tout faire pour rendre au moins l'enseignement primaire gratuit et obligatoire. Des efforts y sont-ils faits en ce sens ?

Le deuxième volet est plutôt une suggestion que j’adresse au président d'une association de professeurs de français: au Burkina Faso, à la suite de l'action des ONG, le gouvernement a adopté en février 2000 un projet d'enseignement des droits de l'enfant d'une manière formelle en milieu scolaire à travers le français. Pourrais-je recommander à M. le président de penser à cette philosophie-là pour faire la même chose au Bénin, parce que l'enfant, c'est l'homme de demain et on doit penser à tout ce qui peut concourir à mieux l'éduquer.

 

Marius Dakpogan

Je ne suis plus le président de l'Association des professeurs de français du Bénin. Je suis le secrétaire général de l'Association des professeurs de français pour l'Afrique et de l'océan indien. Oui, le Bénin a ratifié la convention relative aux droits de l'enfant et beaucoup d'efforts sont faits pour que ce soit effectivement enseigné dans les écoles. Mais ce n'est pas encore une réalité. La volonté politique de mettre tout le monde à l'école, notamment les filles, est manifeste au Bénin et je puis vous assurer qu'un travail très important du gouvernement est fait dans ce sens. Actuellement, tous les problèmes liés à cette politique ne sont pas résolus. Je pense qu'une relation de partenariat pourrait exister entre le gouvernement et/ou le secteur privé, le gouvernement et/ou les ONG et le gouvernement et/ou d'autres partenaires. Cette relation permettrait de régler de façon plus optimale ce problème.

 

Question

Nous arrivons toujours au même constat : La volonté politique face à l'immensité de la tâche en Afrique et d'une manière générale dans le tiers-monde se traduit par un manque de personnel et un manque de matériel. Le constat est fait, la volonté est exprimée. Peut-être qu'un jour on y arrivera. Aujourd'hui, en France, les collectivités et les enseignants manifestent parce qu'une classe a trente élèves alors que nous avons des classes de cent vingt élèves et qu'on s'estime encore heureux. Je ne vais pas m'étendre sur cette question, ce qui est sûr, c'est que la solution n'est pas ici et maintenant.

En revanche, pour TV-5, je suis plutôt dubitatif. TV-5 en Afrique ou TV-5 dans le Tiers-monde...D'abord, le coût des équipements est inaccessible aux enseignants ou aux familles qui voudraient s'équiper. Une antenne TV-5 au Burkina coûte deux mois de salaire à un instituteur, et peut-être un mois de salaire pour un cadre supérieur de la fonction publique, ce qui n'est pas chose aisée et je ne sais pas si de manière générale TV-5, non pas TV-5 Afrique mais bien TV-5 en général, peut entreprendre d'autres politiques d'équipements du réseau des pays francophones.

Fabienne Cauchi

Si TV-5 est chère en Afrique, ce n'est pas la seule chose qui doit être chère. Les livres sont chers, l'éducation est chère, tout est cher. Les médicaments sont chers, TV-5 est chère parce que c'est un produit qui vient d'un pays où tout est plus cher qu'en Afrique. TV-5 aurait-elle un rôle à jouer pour augmenter sa promotion et sa diffusion à plus large échelle en Afrique, notamment ? L'Afrique n'est pas le seul cas. Vous mentionnez l'Afrique, mais en Amérique latine aussi elle coûte très cher.

Dernièrement le ministre des Affaires étrangères et de la culture a augmenté considérablement les budgets de TV-5 pour augmenter sa diffusion. Je ne sais pas quel sera le résultat.

 

Question

Yvette Le Gal, Ottawa. Il y a quelques années, un scénario passablement futuriste en matière de télé-université conduisait à la pensée que les étudiants allaient vraiment faire du shopping très sérieux en matière de sélection de cours. Le cours qu'ils jugeraient le meilleur dans tel ou tel domaine serait choisi, qu'il soit offert à Montréal, à Frédéricton ou au MIT aux États-Unis. Jusqu'à quel point ce scénario futuriste est-il maintenant entré en vigueur ? Et s'il est entré en vigueur, y a-t-il une collaboration entre les différentes télé-universités du pays ?

 

Cécilia Gaudet

Dans peu de temps sans doute, ce sera ainsi, mais, pour le moment, la télé-université est une université qui diffuse à distance. De plus en plus les universités campus commencent à utiliser les nouvelles technologies pour diffuser leur contenu à l'échelle de la planète. Un campus virtuel canadien vient d'être créé où plusieurs universités forment un consortium. On en est au début, mais une année Internet est l'équivalent de trois mois. On peut penser que, d'ici à cinq ans, il y aura probablement le magasinage des cours à distance diffusés par la télé-université du Québec ou par l'Université d'Athabasca ou MIT ou par le NED ou le CRED... Ce sera un territoire intéressant pour l'étudiant qui pourra magasiner et même le faire à plusieurs endroits.

A la Une

 La culture suppose l'enracinement, la profondeur et la perspective d'un épanouissement sans cesse en progrès. 

Jacqueline de ROMILLY

Présidente d'Honneur de la Biennale de la langue française (2002-2010)

Dans Le Trésor des savoirs oubliés, éditions de Fallois, 1998, p. 93