Discours de clôture de Monsieur Roland Eluerd

président de la Biennale de la langue française

 

Pour prendre une image empruntée à la géographie, je dirai que la Biennale que nous venons de vivre a été consacrée à des zones de contacts. Contacts entre la culture burkinabè et nos cultures respectives, africaines, américaines, européennes. Contacts entre des conceptions et des pratiques différentes du droit. Contacts entre des usages de la langue française.

Chacun sait que ces zones de contacts sont tout à la fois celles d'où jaillissent les plus hauts sommets et celles où menacent les tremblements de terre. Il y a là de quoi satisfaire les optimistes et les pessimistes. Mais il ne semble pas qu'un face à face entre ces deux humeurs puisse offrir à la Biennale de la langue française un programme de travail intéressant.

 

Il est préférable d'organiser ce programme autour de deux autres mots: compétence et volonté.

En effet, la XVIIIe Biennale de la langue française n'a pas abordé ces différentes zones de contacts comme autant de domaines séparés. Elle n'a pas parlé ici de la culture, là du droit et ailleurs de la langue. Toutes nos conférences et tous nos débats parlaient des cultures et du droit dans la perspective des usages de la langue. Toutes nos réflexions sur les usages du français participaient de et participaient à nos réflexions sur l'expression des cultures et l'expression du droit.

C'est dans cet éclairage que se situent l'originalité de nos rencontres, leur souplesse et leur richesse. Spécialistes et non-spécialistes réunis ensemble pour épargner aux spécialistes le jargon d'une pratique ou d'un art refermé sur lui-même, pour épargner aux non-spécialistes des préjugés ridicules sur les usages différents de l'usage ordinaire.

 

Et voici justement le lieu exact de notre compétence: les usages.

Une langue n'est pas une superstructure indépendante des hommes qui l'emploient. Nous pouvons avoir ce sentiment, penser qu'elle s'impose à nous. D'ailleurs notre relation à la langue n'est-elle pas d'abord une relation d'apprentissage, presque de soumission ? En fait cet apprentissage est déjà un usage et apprendre une langue, la sienne ou une autre, c'est apprendre des usages, c'est apprendre des manières d'être et de vivre dans ces usages et dans cette langue.

La diversité des tangues et la diversité des usages sont donc le gage le plus sûr de la diversité de la vie.

Nous avons pu mesurer la richesse, donc l'intérêt, de cette diversité dans le domaine des cultures. Et nous avons pu comprendre ici, à Ouagadougou, que le droit, comme les cultures, offre une diversité en quelque sorte tangible. Ses corps de doctrine, ses pratiques et les usages langagiers qui les expriment sont clairement inscrits dans nos vies. Le roman, le théâtre, le cinéma ou ta télévision manifestent ces pratiques et ces usages, et ils en nourrissent notre imaginaire.

 

C'est donc sur les bases solides de ces pratiques et de ces usages que les rapprochements sont possibles. La rencontre de nos diverses cultures et le concept de jurisfrancité nous sont apparus comme une grande richesse, une richesse qui nous enrichit tous, qui enrichit nos langues et la langue que nous partageons.

Tout cela appelle, sinon des convergences immédiates, du moins des horizons de convergence. Et c'est ici que la compétence sollicite la volonté. La mauvaise humeur ne suffit pas! Il faut des arguments solides. Il faut de la volonté : «Nous ne serons pas modestes! »

Nos vœux ne sont pas des appels au secours, ni des vœux pieux. Ils expriment la compétence et la volonté des biennalistes de la XVIlle biennale. Ils expriment la vitalité de la Biennale de la langue française.

Les yeux, les oreilles, tous nos sens et notre cœur pleins de souvenirs nous allons quitter à regret Ouagadougou. Quel magnifique, quel chaleureux accueil nous avons reçu ! Je reprendrai ici un propos que j'ai plusieurs fois tenu durant ces trois journées : organisateurs de congrès ou de colloques, venez à Ouagadougou !

Dans deux ans, nous nous retrouverons à Ottawa et à Hull, juste après les Jeux de la Francophonie. C'est donc avec l'Afrique et l'Amérique que la Biennale de la langue française entrera dans le nouveau siècle, dans le nouveau millénaire. On ne pouvait lui souhaiter une meilleure chance.

 

Merci aux Burkinabè et vive Ouagadougou !

A la Une

 La culture suppose l'enracinement, la profondeur et la perspective d'un épanouissement sans cesse en progrès. 

Jacqueline de ROMILLY

Présidente d'Honneur de la Biennale de la langue française (2002-2010)

Dans Le Trésor des savoirs oubliés, éditions de Fallois, 1998, p. 93