Le plurilinguisme: atout ou obstacle à l’acquisition d’une langue étrangère?

Reina SLEIMAN

Docteure en Sciences du langage, Université de Balamand/Université libanaise

 

Résumé : Le Liban est un véritable «melting pot» linguistique. L’arabe dialectal libanais y cohabite avec le français et l’anglais adoptés comme langues d’enseignement en parallèle avec l’arabe littéral, langue officielle du pays. L’éducation plurilingue dans les établissements scolaires et universitaires conduit forcément à un brassage linguistique, qui façonne les pratiques langagières des apprenants libanais et influe sur leurs stratégies d’apprentissage. Mais à quel point le plurilinguisme intervient-il dans le processus d’apprentissage d’une langue étrangère? Le contact de plusieurs langues est-il toujours au service de l’apprentissage?

Notre étude tentera de répondre à ces questions à travers une recherche portant sur des étudiants libanais suivant des cours de français langue seconde (FLS) ou étrangère (FLE) dans trois universités différentes. Nous scruterons leurs pratiques langagières écrites et orales afin d’évaluer l’influence du plurilinguisme sur l’acquisition du français et sur la progression de l’apprentissage.

 

Mots-clés : plurilinguisme, compétence plurilingue, appropriation du FLS/FLE, remédiation, reflexivité, approche neurolinguistigue (ANL).

 

1.Introduction: la compétence plurilingue en didactique des langues

Depuis la publication du Cadre européen commun de référence pour les langues (CECRL), le plurilinguisme occupe une place primordiale dans l’enseignement/apprentissage d’une langue seconde ou étrangère. Les concepteurs du Cadre le définissent comme «une compétence communicative à laquelle contribuent toute connaissance et toute expérience des langues et dans laquelle les langues sont en corrélation et interagissent» (Conseil de l’Europe, 2005). Aussi, les recherches en didactique prônent-t-elles le développement d’une compétence plurilingue, qui permet à l’apprenant d’exploiter toutes ses capacités linguistiques lors de l’apprentissage.

On peut s’interroger toutefois sur le rôle effectif de cette compétence dans l’apprentissage d’une langue étrangère, en l’occurrence le français. Est-elle vraiment une «compétence d’acquisition»? (Ibid) Ou constitue-t-elle un obstacle à l’apprentissage? L’objectif de cette recherche est de déterminer jusqu’à quel point le profil plurilingue des étudiants libanais simplifie ou, au contraire, complexifie l’appropriation du français.

 

2. Méthodologie de la recherche.

Afin de mieux cerner le rôle que pourrait jouer le plurilinguisme dans l’appropriation de la langue française, nous avons opté pour une approche «empirico-inductive interprétative» (Blanchet, 2000). «Ce paradigme dit qualitatif» (Ibid) nous a aidée à développer, par observation participante, une compréhension du phénomène de plurilinguisme dans le contexte libanais «à partir d’un tissu de données» (Ibid) collectées dans le cadre de différents cours de français langue étrangère et français langue seconde dispensés par trois universités bien connues au Liban 1. Pendant un semestre nous avons créé un large corpus 2 en nous basant sur des travaux d’expression écrite et orale réalisés par 155 étudiants ayant reçu une éducation plurilingue depuis la maternelle et dont le niveau varie entre A2 et B2.

 

3.Le plurilinguisme au Liban

Le paysage linguistique libanais se caractérise par la coexistence de quatre langues: l’arabe dialectal libanais, l’arabe littéral, le français et l’anglais. Pour le décrire, nous nous appuierons sur les critères proposés par Coste (2012) pour «la catégorisation distinctive des plurilinguismes». Ainsi, le plurilinguisme au Liban est hérité de l’ère coloniale et du mouvement migratoire de la population, choisi par les autorités éducatives et territorialisé. Son développement est progressif puisque l’enfant libanais, dont la langue maternelle est l’arabe dialectal, apprend pendant sa scolarisation trois autres langues: l’arabe littéral, le français et l’anglais. Il s’agit pourtant d’un plurilinguisme déséquilibré. Certaines langues sont dominantes comme l’arabe dialectal et l’anglais qui gagne du terrain face au français, alors que d’autres sont dominées comme l’arabe littéral utilisé uniquement à l’écrit. Parmi ces langues, on distingue celles qui sont typologiquement distantes et graphiquement différentes (l’arabe vs l’anglais et le français) et celles qui sont voisines (le français et l’anglais); il y a aussi celles qui sont fortement normées (l’arabe littéral et le français) et celles qui sont moins normées (l’anglais et l’arabe dialectal).

L’expérience plurilingue est donc vécue très tôt par l’enfant libanais grâce au système éducatif qui s’est défini comme objectif principal la formation d’individus multilingues. Toutefois, il convient de se demander si les acteurs principaux du processus d’E/A, à savoir les enseignants et les apprenants, parviennet à bien gérer cette expérience.

 

4.Le contact de langues en classe de FLS/FLE

Une analyse approfondie du corpus a montré que, dans le cas de notre public, l’usage du français subit inévitablement l’influence de la langue maternelle (L1) et/ou de l’anglais (L3). Les étudiants se réfèrent inconsciemment à leur répertoire plurilingue pour construire leur apprentissage. La co-occurrence d’éléments provenant de differentes langues donne lieu à un transfert linguistique le plus souvent négatif.

 

4.1- Le français au contact de l’arabe

Que ce soit à l’oral ou à l’écrit, les étudiants ont recours en général au calque de l’arabe dialectal ou littéral. Ils utilisent les structures de leur langue maternelle pour former des phrases en français. Les erreurs découlant de ce procédé sont d’ordre morphologique, syntaxique et sémantique. Nous présentons dans ce qui suit quelques exemples révélateurs de ce phénomène 3.

 

4.1.1- Interférences morphosyntaxiques

Les erreurs morphosyntaxiques les plus récurrentes sont celles dues à l’écart entre les systèmes prépositionnels et pronominaux arabes et français. Cette différence se manifeste dans la majorité des copies au niveau de la position et du choix de la préposition et/ou du pronom.

 

Interférences prépositionnelles

Les étudiants ignorent les différents contextes d’utilisation d’une préposition française imposés par la construction du syntagme nominal ou verbal et la confondent par conséquent avec son equivalent arabe. Ainsi, en se référant tantôt à l’arabe dialectal, tantôt à l’arabe littéral, ils emploient la préposition «dans» comme l’équivalent des prépositions arabes «bi» ou «fi» et la préposition «sur» pour remplacer «،ala» 4. Par ailleurs, ils omettent ou ajoutent la préposition «de» quand un verbe transitif français a comme équivalent un verbe intransitif arabe ou vice versa.

  • Les jeunes vont se disputer avec les jeunes dans leur âge.

álʃabab ḥayiẖtilfou ma، álʃabab bi ،imron. (Arabe dialectal)

ألشباب حيختلفوا مع الشباب بعمرن

  • Je joue dans les vidéo-games.

bil،ab bil video-games. (Arabe dialectal)

Video-gamesبلعب بل

  • Les réseaux sociaux dans ces jours sont très importants.

[…] fi haḏihi áláyam. (Arabe littéral) / bihalɔiyem. (Arabe dialectal)

بهالأيام / في هذه الأيام.

  • Je veux te raconter sur le mariage de ma cousine.

Baddi khabrak ،ala zawaj bint ،ammi.

بدّي خبرك على زواج بنت عمّي.

  • Les gens viennent sur notre région pour la première foix.

Lnass byijou ،ala mantaitna la áwal marra. (Arabe dialectal)

الناس بيجوا على منطقتنا لأول مرّة.

  • […] pour fuir de la réalité noire du monde.

Lilhuroub min haḳiḳat l،alam álsawdaɔ. (Arabe littéral)

للهروب من حقيقة العالم السوداء.

 

Interférences pronominales

Les erreurs commises au niveau du système pronominal concernent, dans la majorité des cas, la place des pronoms personnels compléments. Les étudiants reproduisent la structure syntaxique de la phrase arabe et ont tendance par conséquent à rattacher et postposer les pronoms COD/COI au verbe. Ils relient aussi souvent une préposition au pronom, comme en arabe. En voici quelques exemples:

  • Je veux raconter à toi.

ɔuridu án uẖbirak. (Arabe littéral)/baddi ẖabrak. (Arabe dialectal)

بدّي خبرك / أريد أن أخبرك.

  • Mes camarades sont très gentils et ils aident moi à l’université.

ásdiḳaɔi latifin jiddan wa yusa،idunani fi el jami،a. (Arabe littéral)

أصدقائي لطيفين جدا و يساعدونني في الجامعة.

  • Ses parents cherchaient [à] [elle] dans toutes les chambres de la maison.

Walidaha baḥaṯa [،an][ha] fi kulli ḡuraf lmanzil. (Arabe littéral)

والداها بحثا [عن][ها] في كلِ غرف المنزل.

 

Le transfert négatif de l’arabe se manifeste également au niveau de l’emploi des pronoms relatifs. Par analogie avec le système linguistique arabe, les étudiants ont du mal à reconnaître les différentes fonctions que peuvent avoir les pronoms relatifs dans une subordonnée 5, et utilisent souvent un relatif et un pronom personnel pour désigner le même référent.

  • L’université que j’étudie [dans] [elle].

Áljami،a állati ádruss [fi][ha]. (Arabe littéral)

الجامعة اللتي أدرس [في][ها].

 

Des erreurs syntaxiques telle l’omission du verbe ou du sujet résultent aussi de l’interférence avec l’arabe dialectal, qui n’obéit pas à des normes strictes.

 

  • Tu sais que j’étudie le master et l’après-midi dans mon travail.

Bta،rif ɔinni bidross master w ba،d el ḍohor bi ʃiḡli.

بتعرف إني بدرس ماستر وبعض الظهر بشغلي.

  • Pendant la semaine je m’envaie à l’université et le soir avec les amis.

ẖilal lɔusbou، brouh ،al jam،a wil masa ma، rifáti.

خلال الأسبوع بروح عالجامعة والمسا مع رفقاتي.

 

4.1.2- Interférences lexicales et sémantiques

Les interférences lexicales sont très courantes dans le corpus étudié. À l’instar des interférences morphosyntaxiques, elles sont dues majoritairement au calque. Les étudiants traduisent littéralement un mot ou une expression de l’arabe et produisent par conséquent des impropriétés ou erreurs sémantiques. Dans les trois exemples ci-dessous, les étudiants ont associé le verbe «tomber» à «problèm» pour exprimer l’éventualité d’un malentendu entre les collègues, et ils ont utilisé les syntagmes verbaux «mettre une date» et «entrer les moyens technologiques» comme équivalents de fixer une date et intégrer/introduire les moyens technologiques. Tous ces verbes existent bel et bien en français mais sont employés dans un sens considéré inadéquat dans le contexte.

  • Il va tomber un problème avec les collègues.

ḥayou ̓a، maʃkal ma،el zumala. (Arabe dialectal)

حيوقع مشكل مع الزملا.

  • Ils ont mis la date de l’examen.

Haṭou tariẖ lɔimtiḥan / lfahṣ. (Arabe dialectal)

حطّوا تاريخ الامتحان / الفحص.

  • Pourquoi n’entrer pas les moyenne technologiques […] dans le domaine éducatif.

Limaḏa la nudkhil wasaɔil el teknologia fi majal ltarbiya. (Arabe littéral)

لماذا لا ندخل وسائل التكنولوجيا في مجال التربية.

 

La transposition lexicale peut être souvent source d’incompréhension. Les exemples illustrant ce point abondent dans notre corpus. Ainsi, pour dire qu’elle est fille unique, une étudiante s’est présentée comme étant «une fille entre deux garçons», et ce, en se référant à l’expressionأنا بنت بين صبيين. Et pour remercier un ami d’avoir pensé à lui et de lui avoir envoyé une lettre, un étudiant a écrit «merci pour ton importance à moi» 6 en traduisant l’expression شكراﹰ لاهتمامك بي de l’arabe littéral.

Une autre impropriété fréquemment commise est celle relative à l’expression française cela nous prend utilisée généralement pour préciser le temps mis pour faire un trajet donné. Elle se traduit par l’emploi du couple elle + verbe (prendre ou être) calqué sur l’arabe libanais.

  • A chaque fois, je dois venir elle prendre 1 à 2 heures.

[…] bteẖod se،a la se،tayn.

بتاخد ساعة لساعتين.

  • Au Liban, pour se déplacer d’une ville à l’autre, si on veut 15 minutes pour déplacer elle serai 45 minutes a une heure

[…] ɔiza badna 15 daɔiɔa ta nitnaɔal, bitsir 45 daɔiɔa la se،a.

] إذا بدنا 15 دقيقة بتصير 45 دقيقة لساعة.…]

 

Pour conclure cette partie, nous présentons des exemples singuliers de calque phraséologique. Les émetteurs des phrases ci-dessous ont traduit de l’arabe dialectal deux expressions idiomatiques qui signifient respectivement il ne manquait que toi et les grecs ont tué tous les troyens. On peut constater que le transfert lexical a altéré profondément le sens des locutions.

 

  • Ce mariage est complet de tout sauf toi ma belle fille.

Hal zawaj kamil min kil ʃi ɔilla ɔinti ya binti el hilwi.

هالعرس كامل من كل شي الّا إنت يا بنتي الحلوة.

 

  • Les grecs ouvrir la porte de la cité et tuent tout ce qu’il dit je suis troyen

[…] Wa ḳatalu kil min bi ̓ oul ana tarwadi

وقتلوا كل مين بيقول أنا طروادي. […]

 

4.2. Le français au contact de l’anglais

Les rapports entre le français et l’anglais sont moins conflictuels. Les interférences les plus récurrentes entre les deux systèmes linguistiques sont d’ordre lexical et n’ont pas de répercussions dramatiques sur la qualité du message transmis. Elles se présentent dans le corpus sous deux formes:

- l’utilisation du synonyme anglais d’un mot français:

  • Je vous écris cette lettre afin de vous délivrer mes complaints.

  • Je propose d’organiser une réunion afin de discuter plus les problèmes et concernes des habitants.

  • Plusieurs opérations d’enlèvement across France.

  • Ce n’est pas beneficial pour la France d’ignorer les études scientifiques sur les pesticides.

  • Je peux donner tout mon temps à la music.

  • Donc pas de panic.

  • Les nouvelles technologies aident les cashier dans un supermarket.

  • Il y a le coiffeur pour faire le make-up.

- la francisation d’un mot ou d’un verbe anglais en lui donnant la morphologie propre aux mots et verbes français comme le montrent les exemples suivants :

  • On peut trouver d’autres solutions et compromiser d’une manière qui ne nuit pas à la piscine. [To compromise]

  • Une situation qui occure souvent. [To occur]

  • Un problème qui peut être solvé. [To solve]

  • Les habitants de tripoli a nidée ce festival.[To need]

  • Le thème de la santé et de l’environnement reste le sujet qui laque d’action sociale préventive. [To lack]

  • Volonter du sang. [To volunteer]

  • Downloader free music. [To download]

  • Je suis très enthousiastique et content d’accompagner de nouveaux camarades [I’m enthusiastic]

 

5.Plurilinguisme et appropriation du FLS/FLE

Il est évident d’après les exemples précédents que les apprenants sollicitent leur répertoire plurilingue au cours de l’apprentissage du FLS/FLE. Les langues mobilisées sont toutefois en conflit. C’est le contact ente le français et l’arabe qui pèse lourd sur le processus d’apprentissage et l’entrave, en particulier chez les étudiants qui ont un niveau élémentaire en français 7. Il s’avère donc essentiel de trouver un moyen pour exploiter les acquis linguistiques des apprenants dans l’appropriation de la langue française.

Les recherches en didactique du plurilinguisme privilégient différentes approches dont celle contrastive préconisée par Dabène et favorisant l’intercompréhension fondée sur la proximité interlinguistique (Dabène, 1996). Il s’agit d’exploiter les ressemblances entre sa propre langue et celles qui lui sont proches afin de les comprendre. À partir de là, se pose la question de la proximité des langues en contact. Si l’approche contrastive s’applique dans notre cas aux langues française et anglaise, qu’en est-il de la langue arabe? Zarate et al. indiquent que les critères communément utilisés pour décider de la proximité/distance des langues sont de nature phonétique, morphosyntaxique et sémantique (Zarate, Levy et Kramsch., 2008). Si l’on se limite à ces trois critères, nous pouvons affirmer que l’arabe et le français sont deux langues distantes 8. D’où la nécessité de forger chez les apprenants arabophones une compétence plurilingue qui tient compte des divergences entre ces deux systèmes linguistiques.

C’est à ce niveau-là que doit intervenir l’enseignant d’une langue seconde ou étrangère. Son rôle consiste à développer une pratique réflexive chez les apprenants, à leur apprendre à réfléchir sur leur action. Dans notre cas, le travail de réflexion ne saurait être réalisé sans se référer aux langues qui sont à l’origine de conflits et portera aussi bien sur les règles grammaticales que sur les notions culturelles ayant abouti aux interférences linguistiques. L’absence de cette démarche dans les méthodes de FLE et les manuels scolaires disponibles sur le marché exige de la part de l’enseignant la mise en place d’un outil de remédiation par le biais duquel il adapte le savoir à enseigner aux besoins de son public. Il est également essentiel de noter que les méthodes de FLE, même celles qui suivent les recommandations du CECR, font rarement référence aux langues connues de l’apprenant. Reconstruire ou plutôt reconfigurer le répertoire plurilingue relève donc de la responsabilité de l’enseignant, qui remplit la fonction de médiateur et «rappelle à l’apprenant ses connaissances et ses expériences antérieures qui peuvent être mises à profit pour l’accomplissement d’une tâche donnée» (Cyr et Germain, 1998).

6.L’outil de remédiation: Réfléchir - Échanger - Apprendre

Pour remédier aux difficultés résultant du contact de langues, nous proposons un outil en deux volets.

Le premier volet vise à développer la compétence réflexive de l’étudiant. Il «se fonde sur une comparaison ciblée des systèmes linguistiques du français et de la langue première de l’apprenant» (Miled, 2009). Le second volet s’intéresse, quant à lui, à l’appropriation de la langue par l’approche neurolinguistique. Notre choix se justifie par la complémentarité de ces deux volets qui peuvent, grâce à une démarche combinatoire, favoriser l’apprentissage du français.

6.1. La réflexivité

Afin d’éviter les situations conflictuelles générées par le passage d’une norme langagière à une autre, il s’avère primordial de développer chez les étudiants l’habileté d’exploiter adroitement et en autonomie leur répertoire plurilingue. Cela suppose une initiation à un travail de réflexion qui tient compte de toutes les ressources langagières dont ils disposent. Perçue au départ par Schoen comme un instrument de professionnalisation, la réflexivité s’est imposée progressivement dans le domaine de l’éducation. Ainsi, Selon Castelotti, la compétence plurilingue rime avec conscience réflexive et pour Boterf c’est un processus cognitif, se composant de deux axes: l’activité et la distanciation. «Ce dernier correspond à la métacognition, c’est-à-dire au retour réflexif du sujet sur les combinatoires de ressources et les stratégies d’action qu’il a mises en œuvre» (Le Boterf in Guillaumin, 2009).

Dans son dernier référentiel «Compétences terminales en français: Humanités professionnelles et techniques», la Communauté française de Belgique (CFB) place le processus réflexif à la base de tous les apprentissages et lui consacre l’unité zéro: justifier et expliciter. Selon les concepteurs du référentiel, toute tâche doit être accompagnée «d’une explication des ressources mobilisées» (CFB, 2017). La réflexivité n’est pas donc un acte spontané, elle s’apprend. En d’autres termes, l’apprenant doit effectuer une prise de recul cognitive par rapport à son activité et l’analyser pour décontextualiser puis recontextualiser ses savoirs et savoir-faire. Cela lui permet de mieux comprendre ses pratiques, de prendre conscience de ses difficultés et lacunes et de s’approprier, par conséquent, de nouvelles connaissances et des compétences transversales transférables à d’autres situations de communication.

En classe de langue, le recours à la réflexivité se manifeste d’habitude au moment de la correction d’un travail réalisé par les étudiants. La stratégie adoptée consiste à leur laisser du temps pour revoir individuellement ou collectivement leur(s) copie(s) et réfléchir à la structure correcte qu’il fallait utiliser. Cela se fait normalement en leur demandant de s’appuyer, lors de la réflexion, sur les structures de la langue cible, le français. Or, l’expérience nous a montré que les corrections répétitives en classe n’ont pas toujours fait preuve d’efficacité et l’on constate que les apprenants qui recourent abusivement à la traduction de la langue maternelle, continuent à le faire, ce qui freine leur progression et fait de la compétence plurilingue un obstacle à leur réussite.

La solution la plus plausible pour remédier à cette situation serait d’attirer l’attention de l’apprenant au phénomène de transfert qu’il pratique inconsciemment afin d’éveiller sa conscience plurilingue et le conduire à mettre de l’ordre dans son répertoire linguistique. Dans cette optique, le volet «Réfléchir » de l’outil de remédiation l’incite à repérer l’erreur en comparant les différents systèmes linguistiques qu’il fait intervenir dans ses productions écrites et orales.

6.2- L’approche neurolinguistique (ANL)

L’approche neurolinguistique est «un nouveau paradigme pour l’enseignement/apprentissage d’habiletés de communication dans une L2/LÉ en milieu scolaire» (Netten et Germain, 2012), qui s’adresse également à des publics adultes. Elle a déjà porté ses fruits sur le terrain au Canada et en Asie, et commence à se forger une place dans certains pays de l’Amérique du Sud comme la Colombie. Cette approche appelée «français intensif» au Canada, trouve ses racines dans la théorie neurolinguistique du bilinguisme élaborée par Michel Paradis et ayant montré que les «savoirs explicites ne peuvent pas se transformer en compétences implicites» (Netten 9)

L’ANL, axée sur le développement de la Littératie 10, a modifié la formule d’apprentissage adoptée actuellement dans les programmes de français de base fondés sur l’acquisition du savoir explicite puis de l’habileté de communication spontanée. Contrairement au modèle traditionnel, l’ANL, donne la priorité à l’acquisition de la compétence implicite ou «grammaire interne». L’apprenant automatise une structure de la langue en la répétant dans des activités authentiques de communication. Il découvre ensuite la même structure dans un ou plusieurs textes écrits et la réinvestit finalement dans une activité d’expression écrite. Ainsi, «au lieu de commencer par l’apprentissage des savoirs, on débute par le développement des compétences (à l’oral d’abord, puis en lecture et en écriture)» (Ibid).

L’une des limites à l’expansion de l’ANL réside dans le fait que ses principes ne répondent pas aux exigences des épreuves du DELF reconnues sur le plan international. L’approche a été toutefois récemment ajustée. Ses concepteurs 11 se penchent actuellement sur l’élaboration d’un Manuel qui propose des exercices de préparation au DELF, et tient compte de la compétence interculturelle et des particularités de certaines activités comme le dialogue simulé. Les modifications apportées à l’approche font qu’il est désormais possible à notre avis de l’appliquer au Liban vu que l’enseignement du français dans le pays se base largement sur le CECR

 

7.Un exemple d’activité de remédiation

7.1- Réfléchir sur l’action

Étant donné le grand nombre de transferts négatifs faits par les étudiants du niveau A2 lors de la rédaction d’une lettre amicale, nous avons choisi cette tâche (figurant dans le corpus 12) comme exemple pour élaborer des activités de remédiation en suivant le modèle précédemment décrit. Pour ce faire, nous avons relevé tout d’abord des phrases renfermant des erreurs interférentielles syntaxiques et lexicales puis nous les avons réparties en fonction des différentes parties qui forment la lettre.

Introduction: Remercier son ami

Merci pour ton importance à moi.

Je veux raconter à toi.

Corps du sujet:

Décrire une journée type à l’université

 

Parler de ses amis

 

À chaque fois je dois venir elle prendre 1 à 2 heures.

Pendant la semaine je m’envaie à l’université et le soir avec les amis.

 

Mes camarades sont très gentils. Ils aident-moi à l’université.



Les interférences linguistiques sont ensuite affichées au tableau par le biais d’autocollants, chacune suivie de son équivalent arabe 13 et de la structure correcte en français.

Reina Sleiman

En parallèle, l’apprenant est muni d’un outil de réflexion renfermant une série de questions sur l’action déjà accomplie.

 

 

 

 

Outil de

réflexion

sur

l’action

  • Comment ai-je procédé pour construire la phrase en français?

  • Quelle(s) ressemblance(s) (syntaxiques et sémantiques) y a-t-il entre la phrase que j’ai formulée en français et la phrase en langue arabe?

  • En quoi la phrase que j’ai formulée en français est-elle différente de la phrase rédigée en français correct?

  • L’ordre des mots est-il le même dans les deux phrases écrites en français?

  • Ai-je omis un élément essentiel de la phrase? Si oui, lequel?

  • Ai-je ajouté un élément inutile à la phrase? Si oui, lequel?

  • Tous les éléments sont à leur place convenable? Si non, quels éléments sont mal placés ? Où est-ce que je devais les placer? Pourquoi?

  • Quelle idée ai-je voulu exprimer par ce mot/cette phrase?

  • Comment l’emploi de ce mot/cette expression a-t-il altéré le sens de la phrase?

  • Quel mot/expression fallait-il employer?

 

Le processus de réflexion sur les langues invite l’apprenant à comparer, en les observant, les structures de deux systèmes linguistques qui sont entrés en contact dans une situation de communication bien déterminée. Aucune activité de systématisation n’est introduite à cette étape, dont le seul objectif est de permettre à l’apprenant de prendre conscience des lacunes générées par le transfert qu’il pratique inconsciemment 14.

 

7.2- Appropriation des structures par l’ANL

Étape 1 : Échanger pour développer une grammaire interne inconsciente.

L’appropriation des structures est réalisée conformément aux principes de l’ANL. La séquence commence par une étape de réchauffement à laquelle l’enseignant modélise les structures en partant d’une expérience personnelle.

 

Exemple:

En vous regardant, je me rappelle les premières semaines passées à l’université. Mon rythme de vie a beaucoup changé. Le campus était loin de ma maison. Ça me prenait chaque matin environ une heure pour y arriver. Je passais toute la journée à l’Université et le soir je sortais avec mes nouveaux amis, qui m’aidaient à faire mes devoirs. Et vous? Votre rythme de vie a-t-il changé à l’Université? Avez-vous déjà noué de nouvelles amitiés?

 

Les apprenants utilisent les structures modélisées pour répondre à la question. L’enseignant relance la conversation en émettant un commentaire ou en posant une autre question, et ce, afin de créer une situation de communication authentique et d’introduire toutes les structures dans le dialogue. À une étape ultérieure, «les apprenants réutilisent les structures en dyades dans une petite conversation» (Netten). Durant cette première phase, le recours à la langue maternelle est interdit et la correction des erreurs est immédiate pour éviter que l’apprenant ne développe une grammaire interne incorrecte.

Étape 2: Lire pour exploiter la grammaire externe

Pendant cette phase, les étudiants lisent un texte portant sur le même thème et renfermant la/les structures automatisées comme dans l’exemple ci-dessous 15. La lecture a pour objectif d’enrichir le vocabulaire de l’apprenant et de travailler la grammaire externe inductive avec à nouveau de la réflexion guidée, mais cette fois dans l’action.



De: Marie

A: Lara

Chère Lara,

Je te remercie d’avoir pensé à moi et de m’avoir envoyé cette lettre. Je suis à Beyrouth depuis 15 jours. Je vis chez des amis de mes parents qui habitent dans un grand appartement.

À Beyrouth, il y beaucoup d’embouteillage. Tous les matins, je pars avec l’ami de mon père à l’Université en voiture. Cela nous prend une heure pour faire le trajet. J’apprends beaucoup de choses et j’ai fait la connaissance de nouveaux amis qui m’aident à comprendre les leçons. Chaque soir, je sors avec mes amis. Nous faisons beaucoup d’activités ensemble. Ils sont très sympas.

Bises,

Marie

Étape 3: Écrire pour développer la grammaire externe et «Boucler la boucle»

La dernière étape, celle de l’écriture, répond à la même stratégie de l’oral et commence par une modélisation de la lettre. L’enseignant écrit sa propre production avec l’aide des étudiants. Lors de la rédaction collective de la lettre, un point de grammaire peut être souligné pour développer davantage la grammaire externe. À la dernière phase de cette étape, appelée par les concepteurs de l’ANL «boucler la boucle», les apprenants s’échangent les textes qu’ils avaient écrits, les lisent et en discutent en classe. Cela leur permet de refaire de la lecture et de pratiquer l’oral encore une fois.

8.Conclusion

S’approprier une langue implique l’acquisition et le développement de compétences langagières et linguistiques. Mais par quels moyens? C’est la question à laquelle les différentes théories de l’apprentissage et méthodologies de l’enseignement tentent toujours de répondre. Depuis l’avènement du CECR, le plurilinguisme est devenu l’un des principaux vecteurs de l’apprentissage d’une langue seconde ou étrangère. Le Cadre, dont l’objectif principal est de promouvoir le plurilinguisme dans les pays de l’Europe, a accordé une importance inouïe à la compétence plurilingue et l’a considérée comme un élément facilitateur de l’apprentissage sans pour autant s’arrêter sur les moyens à mettre en œuvre pour la développer.

L’expérience menée dans le contexte universitaire libanais a montré que l’exploitation du répertoire plurilingue au moment de l’apprentissage est une activité mentale complexe qui dépend de deux facteurs principaux: le niveau de l’apprenant dans la langue cible et la typologie des langues en contact. Ces deux facteurs exercent une influence négative sur le mécanisme d’appropriation du français, ce qui requiert une intervention de la part de l’enseignant pour remodeler la compétence plurilingue de l’apprenant. Il s’agit de développer chez ce dernier des stratégies d’apprentissage efficaces, qui lui permettent de reconfigurer ses acquis antérieurs et construire de nouvelles connaissances. C’est pourquoi, nous avons jugé utile de concevoir un outil de remédiation fondé à la fois sur des pratiques cognitivistes et socioconstructivistes. Dans cette perspective, nous avons mis l’accent d’une part sur la métacognition et, d’autre part, sur les échanges interactifs avec l’enseignant et entre les élèves.

Nous avons eu la possibilité d’expérimenter l’outil seulement pendant un semestre (printemps 2018-2019) avec un groupe d’étudiants de niveau A2 à l’Université libanaise. Il est donc très tôt pour se prononcer sur sa viabilité: la taille de l’échantillon et la durée 16 de l’expérimentation ne le permettent pas. Cependant, l’évaluation des séances de remédiation était très positive. La majorité des étudiants étaient fortement intéressés par les activités proposées et ont fait preuve d’une grande réactivité. Cela nous encourage à poursuivre notre travail dans l’espoir de parvenir à des résultats concluants.

 

Notes :

1 L’université de Balamand, l’université Antonine et l’université libanaise.

2 Le corpus est formé de 221 copies d’expression écrite et se base sur 43 activités d’expression orale réalisées en classe.

3 Nous avons pris soin de choisir les exemples les plus révélateurs du contact de langues. Il est aussi à noter que les exemples n’ont pas été remaniés.

4 La transcription phonétique de l’alphabet arabe figure dans l’annexe, p. 14.

5 Les relatifs français peuvent être généralement remplacés par un seul pronom relatif arabe الّذي, qui change en genre et en nombre.

6 Nous avons détecté ce même calque à trois reprises dans les copies étudiées.

7 L’analyse du corpus a montré que le recours à la langue maternelle concerne surtout les étudiants du niveau A2. Ce sont eux qui produisent le plus grand nombre d’erreurs interférentielles morphosyntaxiques et lexicales.

8 Contrairement au français qui est d’origine romane, l’arabe est une langue sémitique qui s’écrit de droite à gauche et dont l’alphabet est consonantique.

9 Netten, Joan «L’approche neurolinguistique: une nouvelle conception du «comment» on apprend une langue seconde». (Date de publication non mentionnée).

10 La littéracie est «la capacité d’utiliser le langage et les images, de formes riches et variées, pour lire, écrire, écouter, parler, voir, représenter et penser de façon critique. Elle permet d’échanger des renseignements, d’interagir avec les autres et de produire du sens» (Germain et Massé, 2018).

11 Joan Netten et Claude Germain.

12 La consigne demande aux étudiants de répondre à un mail reçu d’une amie. Ils doivent la remercier de son message, lui raconter les premiers mois à l’université et donner leurs impressions sur cette expérience.

13 Les phrases en arabe sont écrites de gauche à droite pour faciliter la comparaison des structures.

14 La démarche réflexive peut être appliquée aux interférences résultant du contact entre le français et l’anglais.

15 Le document a été remanié pour qu’il réponde aux objectifs d’apprentissage.

16 Le semestre a été malheureusement interrompu pendant 50 jours à cause d’une grève, ce qui a entravé l’avancement du projet.

 

Annexe

La transcription phonétique de l’alphabet arabe

Les lettres de l’alphabet

Caractères spéciaux

á

أ

Les déclinaisons du nom au singulier

ā

آ

Hamza

ɔ

b

ب

Fatha (ﹶ )

a

t

ت

Damma (ﹸ )

u

ث

Kasra (ﹺ)

i

ǧ

ج

Tanwin:

ح

Al faith (ﹰ)

ɑ̃

خ

Raf (ﹲ )

ɔ̃

d

د

Kasr (ﹴ)

ɛ̃

ذ

r

ر

z

ز

s

س

ʃ

ش

ص

ض

ط

ظ

،

ع

غ

f

ف

ق

k

ك

l

ل

m

م

n

ن

h

ou/w

و

i/y

ي

 

Bibliographie

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Jacqueline de ROMILLY

Présidente d'Honneur de la Biennale de la langue française (2002-2010)

Dans Le Trésor des savoirs oubliés, éditions de Fallois, 1998, p. 93