Biennale, bienvenue à UIC!

John Ireland

Chef du département, Etudes françaises et francophones, UIC

 

Quel plaisir d’accueillir ici à UIC tant d’invités, tant de collègues, étudiants et amis venus de tous les coins du monde pour cette 28e édition de la Biennale de la langue française. Notre campus est nationalement connu pour l’étendue de sa diversité ethnique et linguistique mais à ma connaissance, nous n’avons jamais réussi à réunir une telle diversité de francophones, le plus souvent bilingues ou plurilingues, issus de plusieurs continents. J’en suis vraiment fier et ravi.

En vérité, l’initiative relève en grande partie des efforts de Cheryl Toman, Présidente de la Biennale, et je tiens à l’en remercier dès maintenant. D’ailleurs j’en profite abusivement pour signaler qu’un des talents cachés de l’Université d’Illinois à Chicago est de fabriquer des Présidentes de la Biennale de la langue française! De notre point de vue (parfaitement impartial), le parcours brillant de Cheryl Toman s’explique en grande partie par ses diplômes en lettres françaises obtenus ici, à UIC, il y a quelques années certes mais dont l’influence, j’en suis sûr, reste pour elle une source d’inspiration non-négligeable!

J’ai dit que c’était un plaisir de vous accueillir, je vous le dis sincèrement et je vais vous dire pourquoi. La vie universitaire, vous le savez autant que moi, est parsemée de colloques. Il y en a beaucoup, il y en a même, selon des hasards divers, des colloques intéressants. Mais je ne suis pas sûr qu’il y ait tant de colloques importants. Et je pense que le colloque qui commence aujourd’hui est important. D’après mes recherches, la Biennale de la langue française, fondée en 1963, se donne pour tâche d’ausculter tous les deux ans la situation du français à l’échelle de la planète afin d’en favoriser l’épanouissement dans un monde en évolution. Logiquement sa place, son rôle sont constamment à redéfinir voire à réinventer. Et certains moments dans son évolution sont marqués de témoignages frappants. Tout à fait par hasard, en regardant à droite et à gauche sur internet, je suis tombé sur un discours prononcé par M. Roland Eluerd, ancien Président de la Biennale, qui prenait la parole lors de de la clôture du congrès de Neufchâtel en 1997. C’était donc Il y a 22 ans. Dans ce discours, M. Eluerd explique qu’il voit dans l’association de la Biennale l’arme d’un combat et il précise lequel:

Notre action est combat. Rien de belliqueux dans la définition! Pour reprendre les belles paroles de Félix Leclerc: «Mes généraux sont des rivières et mon état-major le vent.» Ce combat n’est pas le combat du français contre l’anglais. C’est le combat de la diversité des langues contre l’uniformité du tout anglais. La Biennale de la langue française approuve et soutiendra toute défense et promotion de cette diversité, en particulier dans le fonctionnement de toutes les institutions de l’Europe qui naît.

Que de changements dans le monde depuis 22 ans! Cette mention de l’Europe, siège de tous les espoirs lors d’une décennie qui a vu l’effondrement de l’Union Soviétique, la disparition de Allemagne de l’Est, la transformation des états baltiques et des pays de l’est (et j’en passe), ne peut pas manquer de nous rappeler une époque qui n’est pas, qui n’est plus la nôtre. La situation du français a changé, la situation de l’anglais aussi – alors que se profile à l’horizon la perspective d’une nouvelle hégémonie «linguistique» autour des algorithmes réglant l’évolution de l’intelligence artificielle. Le monde change, je passe vite sur la banalité du constat pour suggérer que vous, les intervenants de ce colloque, disposez d’outils d’analyse très sensibles pour sonder les changements en cours. Et voici pourquoi la Biennale qui commence aujourd’hui me semble importante. Au cours des 4 journées à venir, nous allons préciser où nous en sommes maintenant, à l’heure actuelle pour ce qui touche à la francophonie. Et dans ce monde qui n’arrête pas de changer, la francophonie, me semble-t-il, fait preuve de dynamisme impressionnant. Elle ne cesse de s’agrandir et de se diversifier. Nous savons tous depuis un moment déjà que d’un point de vue purement démographique, l’évolution du français dépend surtout de ce qui se passe à l’extérieur de l’Hexagone. C’est vraiment, maintenant, sur un échiquier mondial que le français joue son existence future, le plus souvent, dans des contextes bilingues ou plurilingues. Cette Biennale intitulée «Bilinguisme, plurilinguisme: mythes et réalités. Quels atouts pour la francophonie?» me semble parfaitement au rendez-vous. Comment le français va-t-il négocier cet avenir? Quelles négociations sont en cours? Pour vous, les intervenants, experts sur la question, est-ce que ce sont les bonnes négociations, celles qu’il faut? Pour moi, ces questions sont d’autant plus importantes que les enjeux ne sont pas simplement culturels dans bien des cas mais existentiels, donnant accès à des formes de savoir, des technologies et des possibilités d’action sociale qui changent la vie. De la Côte d’Ivoire au Madagascar, de la Jordanie au Congo, de l’Algérie au Canada (pour ne citer que quelques exemples du programme), c’est votre savoir, ce sont vos témoignages, ce sont les échanges que vous allez stimuler qui permettront à des gens moins cultivés, comme moi – ou qui connaissent moins bien la situation sur le terrain actuel – de mieux comprendre l’état du français dans le monde tel qu’il se présente en 2019. Merci d’être venus, merci aussi de votre action car vous êtes des agents importants pour les changements en cours. Je me réjouis déjà des découvertes que je vais faire. Bon colloque à tout le monde!

 

 

 

A la Une

 La culture suppose l'enracinement, la profondeur et la perspective d'un épanouissement sans cesse en progrès. 

Jacqueline de ROMILLY

Présidente d'Honneur de la Biennale de la langue française (2002-2010)

Dans Le Trésor des savoirs oubliés, éditions de Fallois, 1998, p. 93