La place du plurilinguisme et de l’intercultralisme

dans l’apprentissage du français sur objectifs universitaires:

cas des étudiants des sciences vétérinaires à l’université algérienne.

 

Asmaa Leila Sassi

Doctorante en didactique du FLE, Université de Mustapha Stambouli

 

Résumé:

Notre recherche est axée sur l’étude de la cohabitation de différentes langues et cultures que l’on retrouve chez des étudiants inscrits en filières scientifiques et techniques (sciences vétérinaires) ainsi que sur les stratégies d’enseignement-apprentissage qui pourraient être à l’origine de l’enrichissement de leur vocabulaire lors des prises de parole. L’étudiant algérien est soumis de façon continue à plusieurs parlers par lesquels il s’identifie aux autres. Au cours de sa scolarisation, il s’approprie plusieurs langues en plus de sa langue maternelle. En effet, il est issu d’une situation plurilingue. A ce titre, l’étudiant algérien en l’occurrence, en sciences vétérinaires dont la langue d’enseignement est le français met en exergue un répertoire langagier et un vocabulaire plus enrichi pour pouvoir maintenir la fréquence discursive orale durant ses cours universitaires.

Mots clés: Plurilinguisme - multiculturalisme – français sur objectif universitaire – discours oral.



Introduction

L’étudiant algérien est soumis de façon continue à plusieurs parlers par lesquels il s’identifie aux autres. Au cours sa scolarisation, il s’approprie plusieurs langues en plus de sa langue maternelle.

En effet, il est issu d’une situation diglossique, donc plurilingue qui lui permet de voir le monde sous une forme diversifiée sur le plan culturo-linguistique.

Selon Boyer (2007), La situation linguistique en Algérie s’inscrit dans une configuration quatridimentionnelle, incluant l’arabe magrébin (la langue de la majorité), l’arabe moderne (l’usage de l’officialité), le tamazight avec ses différents parlers, et enfin le français qui est la langue d’enseignement des filières scientifiques et techniques à l’université.

Autrement dit et selon Ibrahimi (1998), les locuteurs algériens vivent et évoluent dans une société multilingue ou les langues parlées, écrites, utilisées en l’occurrence l’arabe dialectal, le berbère, l’arabe standard et le français, vivent une cohabitation difficile marquée par le rapport de compétition et de conflit qui lie les deux normes dominantes (l’une par la constitutionnalité de son statut de langue officielle, l’autre étrangère mais légitimée par sa prééminence dans la vie économique) d’une part, et d’autre part la constante et têtue stigmatisation des parlers.

 

L’étudiant mobilise un ensemble de langues, qui coexistent de façon juxtaposée, allant du substrat berbère aux différentes langues étrangères en passant par la langue arabe. Cette coexistence s’avère brouillée, où l’apprenant puise dans un répertoire langagier insulaire dont les langues s’interpénètrent et se chevauchent.

Cette question de la diversité des langues en Algérie a fait couler beaucoup d’encre et a suscité beaucoup d’interrogations. Ce paysage linguistique désigné par un éparpillement des langues et un éclatement des fragments langagiers hétérogènes. En ce sens, Bouchard soutient cette thèse en prenant le cas de l’Algérie comme exemple «L’Algérie est bien sûr un des pays qui illustrent de la manière la plus caractéristique cette non-concordance, un pays où la question linguistique est une question politiquement épineuse qui connaît des évolutions par coups non pas en fonction des faits mais plus en fonction d’enjeux de politique intérieure et extérieure. » (2005, p. 273)

Une situation dans laquelle la langue source est vue comme une sorte de niche dans laquelle se loge l’apprenant en vue de s’accommoder au déséquilibre et s’acclimater aux effets de fluctuation que les langues exolingues provoquent. A ce titre, l’étudiant algérien en sciences vétérinaires met en exergue un répertoire langagier et un vocabulaire plus enrichi pour pouvoir maintenir la fréquence discursive orale.

 

Nous avons constaté que les étudiants algériens inscrits en sciences vétérinaires sont confrontés lors de leurs interventions orales, à un blocage, ce qui leur exige de puiser dans leur répertoire langagier de manière à surmonter ce blocus instantané ou persistant.

De ce fait, notre recherche s’axe sur l’étude de la cohabitation de différentes langues et cultures chez les étudiants algériens en sciences vétérinaires, public de notre recherche, ainsi que les stratégies d’enseignement-apprentissage qui pourraient être à la base de l’enrichissement de leur vocabulaire lors des prises de parole.

 

Problématique

Quel est l’impact de la langue étrangère (le cas du français) sur l’enrichissement du vocabulaire des étudiants algériens durant leur parcours universitaire ? Peut-on dire que l’apprentissage du français dans un contexte plurilingue et multiculturel favoriserait considérablement la maitrise du registre de langue et donc, du vocabulaire de l’étudiant? et le recours à cette langue serait-il une stratégie de déblocage lors des interventions orales?

Pour répondre à cette problématique, nous avons émis deux hypothèses :

H.1 L’apprentissage dans un contexte plurilingue et multiculturel enrichirait considérablement le registre de langue et le vocabulaire de l’apprenant.

H.2 Le recours à la langue étrangère serait une stratégie de déblocage lors des interventions orales.



Participants

L’université constitue la phase ultime de la rencontre de plusieurs langues, notre investigation a porté sur les étudiants universitaires inscrits en sciences vétérinaires à l’institut des sciences vétérinaire de Tiaret en Algérie.

En effet, dans la mesure où nous nous penchons sur la question du répertoire plurilingue et pluriculturel de l’étudiant algérien, nous avons deux types de publics: apprenants et enseignants. Le premier public, apprenants, nous a renseigné sur les représentations, la pluralité langagière et culturel dont il est doté et qu’il mettra en place lors de ses interventions en classe, ainsi que les stratégies mises en œuvre pour apprendre.

Le deuxième public, enseignants, nous a permis de comprendre, les stratégies et les démarches auxquelles ils ont recours afin d’enseigner le français.

 

Matériels et méthodes

Pour effectuer notre enquête, nous nous sommes rendus à l’école vétérinaire de Tiaret, nous avons en premier lieu rencontré les enseignants de français pour comprendre quel français ils enseignaient et en utilisant quelles stratégies d’enseignement, puis en deuxième lieu, nous avons distribué 20 questionnaires aux étudiants inscrits en sciences vétérinaires, des questionnaires que nous avons récupéré et analysé.

 

Résultats

Au moyen du questionnaire destiné aux étudiants, notre objectif est de:

  • Connaître le niveau de compétences linguistiques de nos apprenants, selon leur estimation,

  • Le nombre de langues parlées par les étudiants en plus de leur langue maternelle,

  • Les stratégies adoptées par les étudiants pour apprendre le français,

  • De quelle façon l’apprentissage du français dans un contexte plurilingue et multiculturel contribue à l’enrichissement du vocabulaire de l’étudiant,

  • L’expérience linguistique antérieure,

  • A quel point la maitrise du français autant que langue étrangère leur est utile lors de leur prise de parole.

 

Tableau 1: Récapitulatif du questionnaire adressé aux étudiants

1. Niveau en français

72% en dessous de la moyenne

2. Cours souhaités

Cours de français de spécialité (08%), cours de français général (14%), cours de terminologie (12%).

3. Langue à apprendre en priorité

Le français

5. Points forts et points faibles en français.

43% problèmes de grammaire, 57% problèmes en rédaction, 60 % problèmes à l’oral.

6. Niveau en sciences vétérinaires

70% moyens

7. L’utilité de la langue étrangère lors de la prise de parole

90 % des étudiant estiment que la maitrise du français constitue une stratégie d’apprentissage lors de leur prise de parole.

 

Nous avons par la suite effectué un entretien avec les enseignants de l’institut vétérinaire de Tiaret qui nous ont affirmé que plus un étudiant évolue dans un contexte plurilingue et multiculturel plus son vocabulaire et riche d’une part, et d’autre part, que le recours au français en tant que langue étrangère par les étudiants pourrait effectivement être une stratégie de déblocage lors de leur prise de parole.

 

Conclusion

Au terme de notre recherche et après avoir exposé les résultats auxquels notre analyse a abouti, nous avons pu confirmer notre première hypothèse selon laquelle, l’apprentissage dans un contexte plurilingue et multiculturel enrichirait considérablement le registre de langue et le vocabulaire de l’apprenant. En effet, grâce à cette enquête nous pouvons dire que la coexistence de la langue source à côté de la langue étrangère pourrait être un atout majeur dans l’enrichissement du registre de langue de l’apprenant, nous avons aussi pu confirmer notre deuxième hypothèse selon laquelle le recours à la langue étrangère serait une stratégie de déblocage lors des interventions orales.

 

Asmaa Leila Sassi

Doctorante en didactique du FLE, Université de Mustapha Stambouli

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Bibliographie

  • Blanchet, Ph. & Martinez, P. (2010) PRATIQUES INNOVANTES DU PLURILINGUISME: émergence et prise en compte en situation francophone, Archives contemporaines, Paris.

  • Boyer, H. (2001) Introduction à la sociolinguistique, Dunod, Paris.

  • Boyer, H. (2007) Stéréotypage, stéréotypes: éducation, école, didactique: fonctionnements ordinaires et mises en scène, le Harmattan, Paris.

  • Coste, D. (2005) Pluralisme et apprentissage: mélange, E.N.S.L.&S. S, Lyon.

  • Cuq, J.-P & Gruca, I. (2005) Cours de didactique du français langue étrangère et seconde, PUG, Grenoble.

  • De Carlo, M. (1998) L’interculturel, CLE, Paris.

  • François, J. & Rispail M. (2014) L’enseignement du français à l’heure du plurilinguisme vers une didactique contextualisée, Presses universitaire de Namur.

  • Taleb Ibrahimi, K. (2006) «L’Algérie: coexistence et concurrence des langues », L’Année Du Maghreb, 207-218.

  • Castellotti, V. (2011) «D’une langue à d’autres: pratiques et représentations, Publications de l’université de Rouen», p.11.

A la Une

 La culture suppose l'enracinement, la profondeur et la perspective d'un épanouissement sans cesse en progrès. 

Jacqueline de ROMILLY

Présidente d'Honneur de la Biennale de la langue française (2002-2010)

Dans Le Trésor des savoirs oubliés, éditions de Fallois, 1998, p. 93