L’écosystème numérique mondial, la chance de la Francophonie

Marcel DESVERGNE

 

 

Citoyen numérique

 

 

 

 

« Les évolutions numériques que vivent sur tous les territoires de la planète des milliards d’individus, ont et continuent de bouleverser les équilibres que nous avons connus. Il s’agit d’une mutation et d’un changement de monde. Il s’agit de la fluidité des relations entre individus, associations, entreprises, organismes, pays et de combats pour celles et ceux qui n’en n’ont pas encore jouissance. Dans cet univers qui évolue, bouge, vibre comment peuvent s’organiser les organismes et les individus qui produisent, échangent, formulent des contenus, des idées, des manières de vivre au rythme mondial de la société numérique ? »

 

Merci encore de me permettre de m’exprimer parmi vous, acteurs de la Francophonie. Monsieur Roland Eluerd a raison de rappeler qu’il y a quelques années au cours d’une des Biennales de la langue française il avait traité des autoroutes de l’information. Il fût un temps où on parlait de télématique, de minitel, de multimédia, d’internet. Aujourd’hui parlons de transmédia, de numérique, plus justement d’écosystème numérique mondial.

 

Cet écosystème numérique mondial articule de nombreuses notions qui se développent en synchronisme :

Des aspects techniques : réseaux, terminaux, fermes numériques, lieux de stockage, logiciels, moteurs de recherche. Les « doudous numériques » que nous ne quittons pratiquement plus sont aujourd’hui au cœur de cette technique toujours en évolution. Les datas que nous générons sont devenus la richesse des échanges. Les lieux où ils sont « enfouis » sont des lieux stratégiques amplifiés par le « nuage numérique ». Le sans contact et la robotisation en route impose encore plus la trame technique du numérique.

Des valeurs référentes : l’ordre, le partage, la liberté, l’économie, l’idéologique, le pouvoir. C’est bien un ensemble complexe de valeurs qui permet que des milliards d’individus, même en contradiction, utilisent l’écosystème numérique.

Des personnes, individus, communautés, groupes, entreprises, associations, pays, médias qui fonctionnent de plus en plus avec les mêmes outils et les mêmes écosystèmes en évolution perpétuelle.

Cet ensemble fonctionne comme une matrice au niveau mondial et impose ainsi des modèles identiques quels que soient les cultures, les histoires, les langues. C’est bien du contenu, pas de la technique.

Dans ce contexte nous devons être conscients que nos valeurs et notre stratégie de développement doit intégrer cette complexité planétaire.

 

Et c’est bien cette matrice qui bouleverse les équilibres que nous avons connus :

Presse, culture, économie, communication, transports, ville, santé, éducation, formation, vieillesse, commerce ... Il s’agit bien de la remise en cause des « savants », des « enseignants », des « politiques » des « docteurs », des « journalistes »...

 

Nous assistons ou nous participons, dans ce contexte, à la création de nouvelles communautés, de nouvelles relations, grâce par exemple aux MOOCS, aux partages à distance, aux « classes inversées ».

 

Ces bouleversements détruisent tout en créant. Je m’occupe d’une association de lecteurs d’un organe de presse, Sud Ouest et nous sommes lecteurs, internautes et « mobinautes » de Sud Ouest. Cette mobilité s’impose et remets en cause nos habitudes et notre façon de consommer les informations, les données, les datas ! Le travail du site des acteurs de l’école, Educavox participe du même modèle.

 

Il s’agit bien d’une mutation et d’un changement de monde.

 

Cette révolution avec de l’écriture de plus en plus présente, des paroles partagées, des données publiques et personnelles, devenues richesses, s’impose dans un univers qui évolue, bouge, vibre où la géolocalisation est omniprésente.

 

Comment peuvent s’organiser les organismes et les individus qui produisent, échangent, formulent des contenus, des idées, des manières de vivre au rythme mondial de la société numérique ?

 

Dans ce contexte en mutation la francophonie doit investir cette matrice en articulant stratégiquement quatre approches complémentaires :

 

Garder du pouvoir et se développer en utilisant toutes les possibilités DES numériques.

Intégrer les capacités qu’offre la fluidité du numérique. Réseaux sociaux et réflexions ne sont pas incompatibles.

S’adapter sans cesse aux évolutions technologiques de notre monde, le progrès y est toujours en marche.

Etre toujours acteur de notre patrimoine linguistique, sans complexe avec confiance dans l’avenir.

Etre militant pour la francophonie du XXVe siècle c’est aussi dominer, sans être naïf mais lucide cet écosystème, matrice de notre actuel et futur monde.

 

 

A la Une

 La culture suppose l'enracinement, la profondeur et la perspective d'un épanouissement sans cesse en progrès. 

Jacqueline de ROMILLY

Présidente d'Honneur de la Biennale de la langue française (2002-2010)

Dans Le Trésor des savoirs oubliés, éditions de Fallois, 1998, p. 93