La Francophonie telle que vécue par les acteurs de la société civile.

Fahrida Garga SIDDIKI

 

Porte-parole du Parlement francophone des jeunes, responsable de la section Afrique subsaharienne de l’association des jeunes Francophones en Action, participante au premier Forum mondial de la langue française de Québec, 2012, Douala, Cameroun.

 

 

A. L’expérience du premier Forum mondial de la langue française.

1. Les enjeux et le déroulement du Forum

L'évolution de l'environnement des francophones est rythmée par ceux du monde et de son développement. Le besoin de se réunir, de « recycler » les objectifs de la Francophonie se fit alors de plus en plus pressant. Ceci afin de redonner un nouveau souffle et tous les moyens possibles pour l'épanouissement, économique, social et professionnel de ceux qui partagent les principes francophones.

Le tout premier Forum mondial de la langue française a vu le jour à Québec, le 2 juillet 2012. Sa tenue était plus du goût du défi, certes il n’en était pas loin, mais sa réalisation fut à la hauteur des attentes du monde francophone et francophile, car également grand élan de célébration d’une communauté unie autour de mêmes valeurs. Et c’est cette communauté, dite société civile, qui était la cible, l’acteur et le souffle de vie de cet événement. Lors des débats, plusieurs idées fut émises par les participants dont l’enthousiasme n’était pas des moindres. La présence de 93 nations a également sans doute permis de ressortir les principaux problèmes rencontrés par les francophones et francophiles de par le monde. En outre, de la diversité de points de vue, ce brassage qui a marqué le Forum mondial de la langue française, recèle nombre d’avantages pour l’harmonie et la pérennité de la Francophonie. Les principaux avantages étant, la réforme des pratiques courantes de la Francophonie dans le but d’adapter notre communauté à l’évolution de la société internationale, la rencontre intergénérationnelle et multiculturelle, la naissance de projets et programmes à travers les échanges entre participants et intervenants, le développement de la conscience d’appartenance à la Francophonie et enfin la possibilité de lever le voile sur les réalités de l’espace francophone dans sa diversité désormais ponctuées de préoccupations économiques.



2. La société civile et la Francophonie institutionnelle : Quels rapports aujourd'hui ?

L’on ne saurait parler de la société civile sans toutefois noter la complémentarité qui la lie à la Francophonie institutionnelle, la plus haute représentation de nos valeurs communes. Et si ce Forum a pu avoir un impact sur les acteurs de la société civile, il pourrait en avoir également sur la Francophonie institutionnelle à l’instar d’un pouvoir politique et économique grandissant car il est connu que les idéaux d’un peuple, son action sur le terrain, ont bien souvent force face aux instances nationales, en outre, d’une plus grande marge d’action par ce qu’ayant favorisé un réseautage dans son espace, et un meilleur aperçu de la situation des francophones et francophiles afin de pouvoir mieux adapter ses programmes aux besoins de ces derniers et de mieux protéger son patrimoine commun.



B. L’analyse des échanges lors du FMLF



1. Les rapports entre les délégations et les participants

Le Forum mondial de la langue française a ouvert ses portes à plusieurs délégations, toutes plus déterminées les unes que les autres, à l'instar de celle du Parlement Francophone des Jeunes (PFJ) qui est un programme de simulation parlementaire initié par l’Assemblée parlementaire de la Francophonie. Le partage d'astuces de travail et des réalités locales constituait sans aucun doute l’axe principal des discussions tenues lors du Forum.

De ma part, le plus intéressant fut de constater les efforts de discussions déployés entre les francophones et les participants non francophones, ces situations en général prouvent une nouvelle fois que la barrière linguistique compte moins que la volonté des acteurs civils d'asseoir leurs connaissances, de se constituer une place au cœur de la communauté internationale, de faire vivre leurs idées et ce, aussi loin que possible de toute forme de discrimination.

Un climat de fraternité et de symbiose s’est ainsi installé au cours de l’événement et l'on a pu noter que les délégations, tout comme leurs composantes, se sont peu à peu découvert des jonctions et bon nombre de points spécifiques poussant à une interdépendance jusque-là restée tapie dans l'ombre.



2. Les résolutions ou incontournables des débats

Si une économie des résultats du Forum devait être dressée, nous pouvons noter, la présentation de deux déclarations, l’une par les membres de la délégation du Parlement francophone des jeunes et l’autre par un groupe de jeunes francophones et francophiles qui se sont fédérés pendant l’événement. À l’issue des débats du Forum, Quinze priorités pour la langue française ont en outre été adoptées et constituent le cœur des travaux des près de 2 000 participants présents. Ces priorités appellent une plus grande affirmation francophone, notamment par le biais de : l’excellence économique, la circulation des œuvres, l’univers numérique, la promotion du multilinguisme, la mobilité dans l’espace francophone, la féminisation de la langue, l’enseignement, la traduction, la numérisation des œuvres, la recherche scientifique en français, la coopération syndicale internationale, les médias, l’entrepreneuriat francophone, ainsi que l’animation, l’information et réseautage pour renforcer l’économie francophone

Sachant l’importance et l’intensité de l’action nécessaire pour apporter appui à ces différentes priorités, il conviendrait de procéder progressivement. S’il va nul doute que la société civile est le socle de la Francophonie, la Francophonie institutionnelle est celle désignée pour répondre au nom de tous. L’économie étant le volet majeur de l’inquiétude des francophones et point incontournable de la pérennité d’une institution est certainement l’aspect le plus urgent. Et dans cette perspective, des stratégies ou programmes dans les domaines de la formation des jeunes francophones, l’insertion professionnelle des francophones, entrepreneuriat et la facilité des échanges (mobilités, circulation des œuvres) seront les bienvenus et accompagnés par le dynamisme requis de la part des militants de la société civile.



C. Au lendemain du Forum mondial de la langue française



Un peu plus d'un an après la tenue du Forum mondial de la langue française, il va de soi que nous nous intéressions à ses retombées au sein de la société civile, cible principale de l'événement. Certes, les problèmes rencontrés n'ont pas reculés en si peu de temps, mais au sein de ceux qui ont eu la chance de participer à ce Forum, l'engouement est maintenu. Ceci étant, nous pouvons considérer en guise d'exemple l'engagement massif des jeunes francophones (à travers les associations et les ONG de jeunes) dans la campagne « My world » de l’Organisation de Nations Unies, dont le but est d'établir les nouveaux objectifs du développement.

Par ailleurs, le concours de joute verbale, introduit pour la première fois dans le cadre du programme du Parlement francophone des jeunes lors de la sixième Session de l’Assemblée parlementaire de la Francophonie tenue à Abidjan en 2013, a permis aux participants de s'étaler sur des sujets vifs et d'actualité. Cette forme de débat, empruntée à la culture anglo-saxonne, trouva tout son intérêt et sa place au sein de l'équipe de jeunes francophones présents, issus des quatre coins de la planète; démontrant ainsi toute la volonté dont font preuve les institutions francophones et ses militants pour raviver la flamme allumée lors du Forum de Québec 2012.

L’expérience du Forum nous a également confortée dans nos projets et en a fait naître d’autres. Notamment, les échanges, discussions et questionnements tenus pendant le Forum nous ont ensuite permis d’organiser des conférences et ateliers sur les territoires nationaux. L’association Jeunes Francophones en Action, qui assure le suivi et la mise en œuvre des résolutions adoptées, a par ailleurs revu ses priorités et a apporté un appui aux activités du Collectif de la jeunesse responsable, dont la valorisation du savoir-faire de la jeunesse est l’objectif principal. Ces jeunes mouvements usent de tous les moyens possibles pour se rapprocher les uns des autres et communiquer à travers les nouvelles technologies de l’information et de la communication ou d’autres astuces qui ne remplacent pas cependant le contact humain. Les mouvements jeunesses de l’espace francophone entretiennent ainsi un fort lien de solidarité, bien que souvent laissés pour compte par une partie de la société.

Les préoccupations soulevées par les francophones ont certainement fait un écho international, seulement comme pour toute entreprise importante et à long terme, du temps, de l’énergie et beaucoup de persévérance devront être les maîtres mots des francophones et de la Francophonie dans sa globalité. En tant que poumon d'une communauté globale, la société civile doit occuper une place de choix au sein des desseins de la Francophonie et ceci à travers une communication fluide, un rapprochement constructif et un soutien institutionnel le plus effectif possible. Car comme le dit un adage bien connu « l'union fait la force » !

A la Une

 La culture suppose l'enracinement, la profondeur et la perspective d'un épanouissement sans cesse en progrès. 

Jacqueline de ROMILLY

Présidente d'Honneur de la Biennale de la langue française (2002-2010)

Dans Le Trésor des savoirs oubliés, éditions de Fallois, 1998, p. 93