Allocution du professeur Roland ELUERD

président de la Biennale de la langue française

 

Excellences,

Mesdames et Messieurs,

Chers biennalistes,

 

C’est un honneur et un privilège que d’avoir pu organiser la 23e Biennale de la langue française.

 

D’abord parce que cette biennale est placée sous des hauts patronages qui l’honorent d’un particulier éclat : celui de S.E. Monsieur Georgi PARVANOV, Président de la République de Bulgarie et celui de S.E. Monsieur Nicolas SARKOZY, Président de la République française. Je leur adresse publiquement le témoignage de notre respect et de notre gratitude. Et je pense qu’on me permettra de faire remarquer combien ces hauts patronages accordés à notre Biennale de 2009 concordent avec le 130e anniversaire de l’établissement des relations diplomatiques entre la Bulgarie et la France.

 

C’est un honneur et un privilège parce que nous pouvons saluer la volonté du gouvernement de la Bulgarie de travailler étroitement avec les pays de l’Union européenne, en particulier la France à laquelle S.E. Monsieur Boïko BORISSOV, Premier ministre, a réservé sa première visite officielle. Faut-il rappeler que la Bulgarie est depuis 1993 un membre actif de la Francophonie ? Faut-il rappeler que cette décision politique doit beaucoup au premier président de la République de Bulgarie élu démocratiquement, et qui nous fait ce soir l’honneur de sa présence, S.E. Monsieur Jeliou JELEV.

 

C’est un honneur et un privilège parce que l’une des première personnes qui nous a apporté son appui et ses encouragements est S.E. Madame Irina BOKOVA, ambassadeur de Bulgarie en France. L’accueil qu’elle nous a réservé dans l’hôtel de l’avenue Rapp, la compétence et l’amabilité de ses deux conseillers, hier Madame Maria DONEVSKA, aujourd’hui Madame Maria CHOPOVA, ont toujours été parfaites. Que Madame BOKOVA soit aujourd’hui Directeur de l’UNESCO ne saurait surprendre et la Biennale de la langue française lui a adressé, le jour même de son élection, ses plus vives et plus sincères félicitations.

 

C’est un honneur et un privilège parce que les institutions les plus dévouées à la cause et aux idéaux de la Francophonie nous ont apporté leur aide financière : l’Organisation internationale de la Francophonie (je prierai Monsieur Stéphane LOPEZ de bien vouloir exprimer notre gratitude à Monsieur Clément DUHAIME), l’Agence universitaire de la Francophonie (que Monsieur Vincent HENRY veuille bien faire tenir le même message de gratitude à Monsieur le Recteur Bernard CERQUIGLINI, et à Madame Liliane RAMAROSOA), le ministère du Patrimoine canadien (j’adresse mes remerciements à l’honorable James MOORE), la Délégation générale à la langue française et aux langues de France (Madame Odile CANALE qui représente la délégation à notre Biennale voudra bien remercier pour nous Monsieur Xavier NORTH), le Conseil général des Yvelines à Versailles (merci à Monsieur Alain SCHMITZ), l’ambassade de France en Roumanie (que soit remercié S.E. Monsieur Henri PAUL), l’ambassade de France en Macédoine, et l’ambassade de France ici-même.

 

Et justement, c’est là aussi un honneur et un privilège parce que tant de personnes ont travaillé avec nous ici à Sofia. Qu’il me soit permis de remercier S.E. Monsieur Etienne de PONCINS, ambassadeur de France, il nous fait l’honneur de présider cette séance. De remercier Monsieur le Recteur Ivan ILTCHEV, à l’obligeance de qui nous devons de pouvoir nous réunir dans cette prestigieuse université Saint Clément d’Okhrid. De remercier Les directeurs et conseillers de l’Institut français, les professeurs de vos universités, je veux parler de cette phalange qui formait le Comité d’organisation local MM. les professeurs Stoyan ATANASSOV, Antony TODOROV, Gueorgui JETCHLEV, Madame Boyka PALIKARSKA, Madame Bénédicte CONTAMIN, MM. Richard LESCURE et Hubert GUICHAROUSSE.

 

Qu’il me soit permis enfin de remercier devant vous tous celui qui a été à l’origine de cette Biennale, celui qui m’a dit dès 2006 : Il faut aller à Sofia. Celui qui, plusieurs biennalistes ici présents peuvent en témoigner, a commencé à citer beaucoup des noms que je viens d’évoquer, voici exactement deux ans, dans la nuit étoilé de Dakar, alors que commençait le précédente Biennale, je veux dire le professeur Alain VUILLEMIN.

 

 

Excellences,

Mesdames et Messieurs,

Chers biennalistes,

 

Vous connaissez le thème de notre 23e Biennale de la langue française : Les identités francophones : le français, langue de partage et d’ouverture, en Bulgarie et dans les pays du Sud-Est européen.

 

Nous avons là un thème difficile parce qu’il porte en lui un mot redoutable, le mot identité. Aussi, pour apprivoiser en quelque sorte ce mot redoutable, j’ai proposé sa version plurielle. Il m’a semblé moins périlleux de parler « des identités francophones » plutôt que de parler « de l’identité francophone ». Le pluriel nous épargne en effet le risque de concevoir trop rapidement l’identité francophone comme un fait intangible, un acquis indiscutable, une posture intellectuelle et culturelle figée sur ses certitudes. Une identité centrale en quelque sorte, définie évidemment à Paris, et sûrement pas sur les rives du Sénégal ou du Niger, du Saint-Laurent ou de la Meuse, au pied des Carpathes ou des Balkans.

 

Une identité, qu’elle soit individuelle ou collective, se construit dans la permanence et le changement, la présence et l’éloignement, la disparition et le retour, le passé et le lendemain. On conçoit que les identités collectives multiplient presque à l’infini ces éléments divers et opposés. Et si nous voulons avoir une chance de saisir les aspects d’une identité francophone, c’est dans la diversité des identités que nous pourrons l’approcher. Non pas en la posant d’emblée comme un principe. Le pluriel nous met donc en garde contre des réponses trop simples, partant souvent fausses.

 

Il reste que toute identité refermée sur elle-même est une identité morte ou moribonde. Au rebours, une identité ouverte à tous les vents n’est que dispersion. Nous devons donc nous tenir entre ces deux erreurs. Pour cela, il me semble que le mot identité doit s’enrichir d’un complément du nom. Faisons cependant bien attention à la préposition qui gouvernera ce complément. Nous examinerons bien entendu avec suspicion toute identité contre, pour parcourir ensemble au cours de cette Biennale les possibles d’une identité avec et d’une identité pour.

 

Sur cette voie, un des aspects essentiels de la francophonie bulgare et des francophonies du Sud-Est de l’Europe apporte une particularité importante. En effet, ce que nous rencontrons ici, c’est, affirmée par vous-mêmes chers amis francophones de ces régions, une francophonie « choisie ». Je pense que les raisons et les potentialités de ce « choix du français » sont riches d’enseignement pour les autres francophonies.

 

De ces autres francophonies, on peut dire qu’elles sont pour les unes d’héritage patrimonial, comme par exemple au Canada et particulièrement au Québec. Pour d’autres d’héritage colonial, comme dans les pays d’Afrique ou d’Asie. Ou encore qu’elles sont de nature, de fait, allant de soi, comme pour les Français, les Wallons, les Suisses francophones. Mais qu’elles soient patrimoniales, post coloniales ou de fait, toutes ces francophonies doivent, elles aussi, à un moment ou à autre faire un « choix », le choix du français.

 

Les dimensions politiques, institutionnelles, culturelles de ce choix, on les apprécie clairement dans les politiques linguistiques, par le statut de langue officielle, nationale, par l’emploi du français dans les enceintes internationales, voire dans la vie courante. En énumérant tous ces aspects du « choix », on voit bien que même les francophones de nature, au premier rang desquels mes compatriotes, même ces francophones doivent « choisir ».

 

Non pas choisir contre l’anglais, mais choisir le refus d’une langue unique, fût-elle le français, parce qu’une langue internationale unique signifierait une pensée unique. Choisir pour une vraie diversité culturelle, choisir avec ceux qui partagent les mêmes objectifs et les mêmes idéaux. Voilà pourquoi nous avons tous à travailler les uns avec les autres. Voilà pourquoi nous avons tous à travailler les uns pour les autres. Voilà pourquoi nous avons tous à apprendre les uns des autres.

 

Monsieur Anguelov, dans l’avant-propos des Actes du colloque international réuni à Sofia en septembre 2006, vous marquez une inquiétude : que ces actes paraissent trop tard et que le sujet traité semble dépassé, mais c’est aussitôt pour rebondir parce que, dites-vous, les débats et les idées qui avaient nourri ce colloque pourront nourrir les réflexions à venir. La 23e Biennale de la langue française n’a pas l’ambition de faire aussi bien, mais si elle se réunit aujourd’hui elle aussi à Sofia, c’est la preuve que votre espoir était fondé.

 

Mille mercis à la Bulgarie pour son accueil.

Et que vive la Francophonie !

 

 

 

A la Une

 La culture suppose l'enracinement, la profondeur et la perspective d'un épanouissement sans cesse en progrès. 

Jacqueline de ROMILLY

Présidente d'Honneur de la Biennale de la langue française (2002-2010)

Dans Le Trésor des savoirs oubliés, éditions de Fallois, 1998, p. 93