26e Biennale de la langue française

CLUJ-NAPOCA

ROUMANIE

9 et 10 octobre 2015

Ouverture de Line SOMMANT

 

Excellences,

Mesdames et Messieurs,

Chers amis Biennalistes,

 

Il m’est agréable de présenter en ce 9 octobre, dans le cadre du congrès de l’AMOPA Roumanie, à l’Université « Babeş-Bolyai » de Cluj- Napoca, la XXVIe Biennale de la langue française. Nous voici dans le cadre magnifique de l’amphithéâtre Shakespeare, mis à notre disposition par M. Le Doyen de la Faculté des lettres, Corin Braga, que je remercie infiniment de son aide précieuse tout au long de l’organisation de cette Biennale, pour tenir une manifestation dont la thématique est : « La francophonie vivante : l’enseignement de la langue et des littératures d’expression française, à l’étranger », consacrée à deux aspects actuellement importants de notre chère langue française :

-La langue française, un atout dans le monde des affaires (le 9 octobre).

- La langue française, langue de la culture et des valeurs, des esprits éclairés (le 10 octobre).

 

Depuis sa création le 14 mai 1963, notre Biennale a un attachement très particulier à la Roumanie. Le Président fondateur Alain Guillermou, éminent linguiste français, fut professeur de roumain à l'Institut national des langues et civilisations orientales. Il a cédé à M. Roland Eluerd la Présidence et l’organisation des Biennales en 1995. Ainsi la première Biennale de Roland Eluerd fut-elle organisée à Bucarest, cette année-là, sur le thème de : « La place du français sur les autoroutes de l’information : la Roumanie et la Francophonie ».

 

En effet, le Président Éluerd - qui aurait dû être des nôtres aujourd’hui- a été frappé par plusieurs épreuves familiales tragiques et n’a pu organiser cette biennale ni y assister. Nous lui dédions cette Biennale ainsi qu’à la regrettée Colette Eluerd qui fut notre trésorière pendant vingt ans. C’est la raison pour laquelle en tant que Vice-Présidente, je me suis attelée à cette tâche. Je n’étais pas seule. Je voulais dès maintenant saluer l’aide considérable apportée, à partir de la France, par le Professeur Alain Vuillemin, membre du Conseil d’administration de la BLF, Président de l’Amopa 94, ainsi que celle de Madame Liliane Soussan, secrétaire générale et trésorière de l’association.

 

De même, sans le soutien fidèle de la DGLFLF, de l’OIF, et de l’AMOPA, cette Biennale n’aurait pu se tenir : je leur en suis reconnaissante.

 

Il est donc question de notre langue française…faisons un bref retour en arrière

 

Du Moyen Âge à nos jours, du Dictionnaire françois-latin, en 1539, de Robert Estienne, jusqu’au Wiktionnaire du 21e siècle, de l’ancien français, au français classique jusqu’à la langue moderne d’aujourd’hui, la langue française n’a eu de cesse de se transformer, de voyager, de s’enrichir, au grand bonheur des gardiens de la langue que sont les lexicographes. Ceux dont le métier est de répertorier et de définir ont donné souvent leur nom à leur dictionnaire, trésor de notre langue, qu’il s’agisse de l’Académie française, de Pierre Richelet ou d’Antoine Furetière, d’Émile Littré, Pierre Larousse, ou encore plus proche de nous de Paul Robert ou du TLF.

 

Mais la langue française, lien unique tissé entre les pays qui possèdent le français en partage, doit aussi son illustration aux grands écrivains francophones qui, par leur style, leurs idées, leur emploi particulier du lexique, ont traduit les impressions et émotions de l’âme humaine, les combats, les idées et idéaux de l’homme, les moments de sa vie sur terre et l’Histoire du monde.

 

On dit souvent « la langue de Molière », mais que dire de la langue de Voltaire écrivant les lettres philosophiques ou défendant Jean Calas, celle de Diderot auteur de l’Encyclopédie ou de la Religieuse (ode à la vérité de choisir son destin), celle de Hugo tonnant de son exil, dont la poésie, les romans, le théâtre sont passés à la postérité et au cinéma, celle de Zola, témoin de la cause humaine sociale…celle plus intimiste et introspective de Proust ou celle jouant sur le sens des mots de Ionesco ... ces quelques exemples donnent le ton d’un patrimoine littéraire éclairé et riche. Tant d’autres noms existent que je ne puis citer…

 

Le 9 octobre n’est pas une date anodine. En plus d’être la date de cette Biennale, c’est une date majeure pour la littérature française du XXIe siècle.

 

En effet, les Prix Nobel de littérature ont été attribués à Jean-Marie Gustave Le Clézio le 9 octobre 2008 et, six ans plus tard, à Patrick Modiano le 9 octobre 2014 montrant l’intérêt actuel mondial bien vivant pour la langue française et sa littérature, ses auteurs.

 


Dans son discours de réception, Jean-Marie Gustave Le Clézio a d’ailleurs rendu un bel hommage à la langue française, langue maternelle :

 

« J'ai longtemps cru qu'on avait le choix de sa langue. Alors, je rêvais de parler le russe, le nahuatl, l'égyptien. Je rêvais d'écrire en anglais, la langue la plus poétique, la plus douce, la plus sonore. Pour mieux réaliser ce rêve, j'avais entrepris d'apprendre par cœur le dictionnaire, et je récitais de longues listes de mots.Puis j'ai compris que je me trompais. On n'a pas le choix de sa langue. La langue française, parce qu'elle était ma langue maternelle, était une fatalité, une absolue nécessité. Cette langue m'avait recouvert, m'avait enveloppé, elle était en moi jusqu'au tréfonds. Cela n'avait rien à voir avec la connaissance d'un dictionnaire, c'était ma langue, c'est-à-dire la chair et le sang, les nerfs, la lymphe, le désir et la mémoire, la colère, l'amour, ce que mes yeux avaient vu premièrement, ce que ma peau avait ressenti, ce que j'avais goûté et mangé, ce que j'avais respiré. Les mots n'étaient pas ceux d'une liste, ils étaient des choses, des êtres vivants. Ils étaient âpres, doux, légers, fugitifs et déroutants, décevants parfois, pièges mielleux, horreur physique, souvent résonnant comme des coques vides, mais aussi dansant, enivrant, les mots du jour, du jouir, de la jubilation - et même jouant avec la mort. C'était la langue française. Ma langue. Ma personne, mon nom, en quelque sorte. Sans le savoir, sans le vouloir, elle me donnait sa beauté, sa douceur. En moi étaient tous les sons retenus depuis la petite enfance, les sons mouillés, les «r» gutturaux, les nasales, les sons qui font bouger les lèvres vers l'avant - et qui permettent aux autres de reconnaître de loin quelqu'un qui parle le français. »

 

Hors des frontières, la langue française a permis à de nombreux peuples de s’exprimer, de puiser à l’encre de la liberté d’expression, si chère à la France, une force pour exister, construire une œuvre littéraire, décrire, dénoncer, raconter, imaginer, créer, combattre tout simplement, comme un appel perpétuel au monde. Nous évoquerons ces deux jours durant, entre autres, ses différents aspects.

 

Cette chère langue nous réunit aujourd’hui grâce à la francophonie, cette unité dans la diversité, cet unanimisme international particulièrement vivant.

 

Mais point de trop long discours. Nous allons écouter tous les oratrices et les orateurs venus aujourd’hui développer leurs savoirs sur ces deux thèmes majeurs et riches de notre langue et particulièrement nos amis Roumains dont la langue est cousine de la nôtre, qui illustrent de façon magistrale la francophonie.

 

Pour finir sur une note d’espoir, car on dit souvent le français menacé, je soulignerais ici, avant de commencer notre Biennale, que la langue française est la cinquième langue parlée au monde avec 274 millions de locuteurs (ce sont les chiffres de l’Observatoire 2014 de l’OIF), 4e langue d’Internet et 3e langue des affaires, ce qui concerne notre biennale et sa première table ronde.

 

 

(Herta Müller, née le 17 août 1953 à Nițchidorf, est une romancière allemande d'origine roumaine, douzième femme lauréate du prix Nobel de littérature en 2009.)

Du Moyen Âge à nos jours, du Dictionnaire françois-latin, contenant les mots et manières de parler Français tournez en Latin en , 1539, jusqu’au Wiktionnaire du 21e siècle, de l’ancien français , du moyen français jusqu’au français classique à la langue moderne d’aujourd’hui, la langue française n’a eu de cesse de se transformer, de voyager, de s’enrichir au grand bonheur des gardiens de la langue que sont les lexicographes. Ceux dont le métier est de répertorier et de définitif ont donné leur nom à leur dictionnaire, trésor de notre langue, qu’il s’agisse de l’Académie française, de Pierre Richelet ou d’Antoine Furetière, d’Emile Littré à Pierre Larousse, ou encore plus proche de nous de Paul Robert.

Mais la langue française, lien unique tissé entre les pays qui possèdent le français en partage, doit son illustration aux grands écrivains francophones qui par leur style, leur idées, leur emploi particulier du lexique ont traduit les impressions de l’âme humaine, les combats de l’homme, les moments de sa vie sur terre.

On dit souvent « la langue de Molière », mais que dire de la langue dde Voltaire défendant le Chevalier de la Barre ou Jean Calas, celle de Diderot dans l’Encyclopédie ou la Religieuse, celle de Hugo tonant de son exil, par sa poésir, ses romans, son théâtre passés à la postérité, celle de Zola témoin de cause humaine sociale donne le ton d’un patrimoine littéraire élairé et riche.

Plus près de nous, nos Pirx Nobel JMG Le Clézio et Patriclk Modianeo se sont exprimésJ'ai longtemps cru qu'on avait le choix de sa langue. Alors, je rêvais de parler le russe, le nahuatl, l'égyptien. Je rêvais d'écrire en anglais, la langue la plus poétique, la plus douce, la plus sonore. Pour mieux réaliser ce rêve, j'avais entrepris d'apprendre par coeur le dictionnaire, et je récitais de longues listes de mots.
Puis j'ai compris que je me trompais. On n'a pas le choix de sa langue. La langue française, parce qu'elle était ma langue maternelle, était une fatalité, une absolue nécessité. Cette langue m'avait recouvert, m'avait enveloppé, elle était en moi jusqu'au tréfonds. Cela n'avait rien à voir avec la connaissance d'un dictionnaire, c'était ma langue, c'est-à-dire la chair et le sang, les nerfs, la lymphe, le désir et la mémoire, la colère, l'amour, ce que mes yeux avaient vu premièrement, ce que ma peau avait ressenti, ce que j'avais goûté et mangé, ce que j'avais respiré. Les mots n'étaient pas ceux d'une liste, ils étaient des choses, des êtres vivants. Ils étaient âpres, doux, légers, fugitifs et déroutants, décevants parfois, pièges mielleux, horreur physique, souvent résonnant comme des coques vides, mais aussi dansant, enivrant, les mots du jour, du jouir, de la jubilation - et même jouant avec la mort. C'était la langue française. Ma langue. Ma personne, mon nom, en quelque sorte. Sans le savoir, sans le vouloir, elle me donnait sa beauté, sa douceur. En moi étaient tous les sons retenus depuis la petite enfance, les sons mouillés, les «r» gutturaux, les nasales, les sons qui font bouger les lèvres vers l'avant - et qui permettent aux autres de reconnaître de loin quelqu'un qui parle le français.

Or des frontières, elle a permis à de nombreux peuples de s’exprimer, de puiser à l’encre de la liberté d’expression, si chère à la France, une force pour exister, construire une œuvre littéraire, décrire, dénoncer, raconter, imaginer, combattre tout simplement comme un appel perpétuel au monde. Nous allons parler ces deux jours durant de ses différents aspects.

Cette chère langue nous réunit aujourd’hui dans la francophone, cette unité dans la diversité, un unanimisme particulière vivant.

Ionesco

 

Tous mes livres, toutes mes pièces sont un appel, l’expression d’une nostalgie, je cherche un trésor enfoui dans l’océan, perdu dans la tragédie de l’Histoire. Ou si vous voulez, c’est la lumière que je cherche et qu’il m’arrive de sembler retrouver de temps à autre. C’est la raison pour laquelle je fais de la littérature, c’est aussi la raison pour laquelle je m’en suis nourri. Toujours à la recherche de cette lumière certaine par-delà les ténèbres.

 

Antidotes

 

Extrait de la leçon

 

1951

 

Le Professeur : « Si vous émettez plusieurs sons à une vitesse accélérée, ceux-ci s’agripperont les uns aux autres automatiquement, constituant ainsi des syllabes, des mots, à la rigueur des phrases, c’est-à-dire des groupements plus ou moins importants, des assemblages irrationnels de sons, dénués de tout sens, mais justement pour cela capables de se maintenir sans danger à une altitude élevée dans les airs. Seuls, tombent les mots chargés de signification, alourdis par leur sens, qui finissent toujours par succomber, s’écrouler…

 

L’élève : ….dans les oreilles des sourds.



A la Une

 La culture suppose l'enracinement, la profondeur et la perspective d'un épanouissement sans cesse en progrès. 

Jacqueline de ROMILLY

Présidente d'Honneur de la Biennale de la langue française (2002-2010)

Dans Le Trésor des savoirs oubliés, éditions de Fallois, 1998, p. 93