Hommage à Jeanne OGÉE (1922-2020)
Jeanne Ogée, vice-présidente d’honneur de la Biennale de la langue française, est décédée le 15 janvier 2020. Roland Éluerd, au nom de tous les biennalistes qui l'ont connue, lui rend hommage.
Dans les livres de nos existences comme dans les livres de nos associations, se tournent chaque jour des pages heureuses ou douloureuses. Mais il arrive, de temps en temps, qu’avec la page tournée, un chapitre entier s’achève. Et, trop souvent, la dernière page du chapitre est une page de tristesse.
Pour la Biennale de la langue française comme pour tous les biennalistes, le décès de Jeanne Ogée est une page qui se tourne pour clore un long et magnifique chapitre.
Jeanne Ogée, notre vice-présidente d’honneur, nous la savions approchant peu à peu de sa centième année. Et je suis certain que beaucoup de biennalistes se voyaient célébrant avec elle cette fête où elle n’aurait pas manqué de nous offrir quelque anecdote des premières Biennales ou quelque remarque grammaticale sur une erreur commise ici ou là. Le tout avec un sourire presque de «gamine» tant il était à la fois franc et malicieux.
Jeanne Ogée aura été la mémoire de la Biennale. Une mémoire toute au service de l’association, de son fondateur, Alain Guillermou, et de son successeur. Une mémoire toute au service des intervenants, illustres ou moins connus, dont elle a su recueillir les propos dans nos Actes et dans ce magnifique Florilège des vingt premières Biennales de Namur (1965) à La Rochelle (2003). Un ouvrage que je l’ai vue composer ligne après ligne, avec passion, avec respect, aidée à chaque instant par son époux, Gildas — Gildas, dont nous mesurons, dont je mesure très affectueusement la peine, le désarroi, ce vide soudain creusé à son côté.
Jeanne Ogée aura été une infatigable militante de la langue française. Comme j’écris ces mots, j’ai sous les yeux son Cours de langue française, rédigé pour les élèves de HEC Jeunes filles, en 1972. Il commence ainsi : «Ce précis de langue française, d’une sécheresse voulue, vise à rappeler, ou à apprendre, les règles d’orthographe et de syntaxe le plus souvent transgressées.» À qui craindrait peut-être trop de «sécheresse», il suffira d’aller à la fin du cours et d’y lire : «Rappelons que toutes les règles énoncées ci-dessus n’ont pour but que l’élégance de la phrase.»
Élégance, ce beau nom n’a de sens que s’il signifie discrétion, sourire, écoute, compétence, passion, dévouement, partage. Il convient aux phrases comme aux êtres. Il convient parfaitement à Jeanne Ogée, notre Jeannette, que nous pleurons.
Roland Eluerd, Ancien président de la Biennale de la langue française